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après la capitulation de La Pallud il s’était empressé de proclamer l’empire. Le 14 avril, il adressa à l’Empereur un rapport justificatif qui se terminait ainsi : « Je ne puis dissimuler à Votre Majesté combien j’ambitionne l’honneur de la revoir pour l’assurer de mon dévouement sans bornes. » Napoléon écrivit au prince d’Essling une lettre de félicitations, l’appela à Paris, et l’y reçut avec de grands témoignages d’amitié ; mais malgré sa quasi promesse, il préféra ne pas lui rendre le gouvernement de la 9e division militaire. Pour contenir les royalistes de Marseille, il fallait un homme qui n’eût pas commandé là au nom de Louis XVIII. L’Empereur offrit à Masséna, que ses infirmités rendaient impropre à servir dans les armées d’opération, le gouvernement des 4e et 5e divisions militaires comprenant la Moselle, la Meurthe et les Vosges. Le vieux maréchal refusa ce poste et resta à Paris où il se montra fort assidu aux séances de la Chambre des pairs.

Bien que Mortier, gouverneur de Lille, Suchet, gouverneur de Strasbourg, et Jourdan, gouverneur de Rouen, fussent restés fidèles au Roi pendant deux ou trois jours après le 20 mars, ils ne s’étaient pas compromis comme Oudinot et Gouvion Saint-Cyr. L’Empereur ne pouvait leur garder rancune. Il ne voulut point toutefois les maintenir dans les postes qu’ils tenaient de Louis XVIII. C’était pour lui un principe[1]. Chargé d’abord de l’inspection des places fortes du nord-est. Mortier fut ensuite mis à la tête de la cavalerie de la garde. Suchet reçut le commandement de l’armée des Alpes et Jourdan celui de la place de Besançon, ville forte de première ligne, où Davout jugeait nécessaire qu’il y eût un maréchal de France.

En disgrâce depuis 1807 pour avoir, a-t-on dit, fermé trop complaisamment les yeux sur les concussions de Bourrienne dans les villes hanséatiques. Brune avait demandé vainement, au début de la campagne de France, à reprendre du service. Pendant la Restauration, il était aussi resté sans emploi. Après le retour de l’île d’Elbe, Brune offrit de nouveau son épée. Les qualités d’administrateur dont il avait fait preuve en Belgique, dans la Gironde, en Toscane, le désignaient pour le gouvernement d’une des provinces où persistaient les troubles. Envoyé à Marseille comme gouverneur de la 9e division militaire, il fut chargé en même temps de l’organisation et du commandement du corps d’armée du Var.

  1. C’est ainsi que Durutte, qui commandait à Metz, fut mis à la tête d’une division du 1er corps. « Quoique je n’aie pas lieu d’être mécontent de Durutte, il faut le rappeler à Metz et lui donner un autre commandement. » (Napoléon à Davout, 27 mars : Arch. Nat., AF, IV, 907.)