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dû être employé aux armées d’opération, furent appelés à commander des gardes nationales. Peu de jours après avoir été relevé de son commandement, le colonel du 14e chasseurs, un des plus fidèles officiers du duc d’Angoulême pendant la campagne du Midi, fut proposé pour un régiment de mobilisés. Un autre colonel, que sa lâcheté au feu avait jadis fait mettre en non-activité, fut aussi l’objet d’une proposition pour un régiment de ligne. Enfin le général Moreau, le pusillanime commandant de Soissons en 1814, qui n’avait évité une condamnation capitale que grâce à la chute de Napoléon, fut désigné pour commander une brigade active. L’Empereur pouvait dire avec raison : « Il me semble que parmi les officiers généraux il y a un grand nombre de jeunes gens plus habiles que ceux qu’on me propose. »

Surchargé de travail et absorbé par les plus graves soucis, l’Empereur ratifiait souvent les propositions de Davout sans les examiner. Il s’en prenait ensuite à ce ministre qui, paraît-il, était peu aimé aux Tuileries à cause de sa raideur et de sa sévérité dans le service. Aussi ne manquait-on point dans l’entourage impérial d’incriminer tous ses actes susceptibles de quelque critique. Afin d’avoir une garantie de plus pour le personnel militaire, l’Empereur chargea son aide de camp Flahaut de réviser les propositions du ministre de la guerre. « Recueillez, lui écrivit-il, tous les renseignemens qu’il vous sera possible sur les généraux et officiers, car si je fais de mauvais choix, c’est à vous que je m’en prendrai. » D’une extrême bravoure et excellent officier d’état-major, Flahaut s’était montré aussi brillant cavalier à Friedland et à la Moskowa que diplomate habile à Neumarkt et à Lusigny. Il n’en passait pas moins pour devoir à la faveur son avancement vraiment extraordinaire. De fait, après n’avoir jamais commandé qu’un escadron, il avait été nommé, à 28 ans (en 1813), général de division. Si jeune lieutenant général, peut-être eût-il dû décliner cette mission, bien délicate vis-à-vis d’un homme comme Davout; en tout cas, sans pour cela y mettre moins de zèle, il aurait pu la remplir d’une façon plus discrète. Il s’installa chaque jour plusieurs heures dans les bureaux de la guerre, bouleversant les dossiers, se faisant rendre des comptes, rayant de sa propre autorité des noms portés sur les états de proposition et donnant même directement des ordres opposés à ceux de Davout. Les choix n’en furent pas meilleurs, car malgré son dévouement et son intelligence l’aide de camp de l’Empereur ne pouvait mieux juger que Davout; mais le prince d’Eckmühl fut profondément blessé de cette inquisition, dont au reste il fut assez vite délivré. Il s’en était expliqué avec l’Empereur, lui disant que si ce n’était