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ordres de solutions essentielles : la détermination des lignes vraiment utiles et la construction du plus grand nombre possible de ces lignes; en second lieu, l’exploitation la mieux adaptée aux besoins généraux du pays et aux exigences particulières de chaque région. Cette deuxième partie de la tâche a pour facteur essentiel l’établissement des tarifs. Nous ne pouvons aujourd’hui que signaler ce côté de la question en nous réservant de lui consacrer plus tard une étude spéciale. C’est le point peut-être sur lequel les plaintes du public sont le mieux fondées, non pas tant lorsqu’il réclame des abaissemens que lorsqu’il demande une simplification générale et la suppression des complications particulières qui naissent de la diversité des réseaux. C’est dans ce sens, croyons-nous, que le gouvernement pourra employer de la façon la plus heureuse les nombreux moyens d’action directe et indirecte qu’il possède sur les compagnies. On sait que les pouvoirs de contrôle de l’État, établis à l’origine même des chemins de fer, ont été réglementés et définis à diverses reprises, notamment par une instruction ministérielle de 1881, des arrêtés de 1882 et de 1892. Le ministère des Travaux publics exerce vis-à-vis des compagnies un triple pouvoir, financier, technique et commercial. Au point de vue financier, il arrête les comptes annuels qui lui sont soumis, tant à cause de la garantie d’intérêts à fournir par le Trésor qu’à cause du partage des bénéfices auquel il a éventuellement droit : aucune émission d’obligations ne peut avoir lieu sans son autorisation. Au point de vue technique, aucun travail ne peut être exécuté avant que le ministre en ait approuvé le projet ; aucune ligne ne peut être ouverte sans un procès-verbal de réception par l’administration; les règlemens d’exploitation, les horaires des trains sont soumis à l’approbation ministérielle. Au point de vue commercial, le ministre homologue les tarifs, le droit de les proposer étant réservé aux compagnies.

Ce simple résumé montre combien le public, lorsqu’il cherche à se former une idée du régime de nos chemins de fer, se laisse aisément aller à des appréciations inexactes et à des jugemens téméraires. Les grandes compagnies, comme il les appelle, ne sont pas maîtresses d’exploiter à leur gré les lignes dont elles sont concessionnaires. Ce mot même de concession est inexact en ce sens qu’il fait naître la supposition d’un pouvoir sans contrôle et sans autre limite que celle de la durée du contrat. La qualification de monopole, qui a été souvent employée et qui tout récemment encore retentissait à la tribune dans la bouche d’un ministre, a également besoin d’être commentée : il est certain que sur les rails des lignes qui leur sont momentanément remises, les compagnies jouissent du monopole des transports. Mais l’État ne s’est jamais interdit