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les tarifs ne le conduira pas, ou ne le conduira plus, nous voulons l’espérer, à en imposer l’abaissement au delà de ce qui est raisonnable : la diminution de recettes qui en résulterait amènerait les compagnies, qui ont déjà recours à son aide, à lui de- mander plus de millions du chef de la garantie d’intérêt, et celle qui ne frappe pas encore à sa caisse à y venir puiser. Quant à une élévation excessive, elle n’est pas possible, puisque les cahiers des charges fixent des maximum : mais ceux-ci même ne sont guère atteints que pour les voyageurs de première classe, et ne le sont pour aucune marchandise. Le tarif des voyageurs, déjà notablement diminué en 1892 pour la seconde et la troisième classe, devra être abaissé, en vertu des conventions de 1883, aussitôt que le Gouvernement aura renoncé à l’impôt de prairial sur les billets.

D’autre part des compagnies aussi sagement administrées que les nôtres savent que tous les efforts de l’industrie moderne ne doivent cesser de tendre au bon marché. Jamais d’ailleurs un tarif n’est relevé sur les chemins de fer français. Tout abaissement une fois consenti est définitif. On a regretté parfois cette tradition qui forcément fait hésiter les administrateurs à tenter certaines expériences peut-être profitables aux compagnies et au public, mais dont ils ignorent le résultat.

La véritable difficulté ne naîtra que le jour où, les sociétés actuelles étant arrivées à fin de bail, leur capital actions et obligations remboursé, leurs comptes avec l’État apurés, les compagnies en un mot ayant cessé d’exister, il s’agira de régler à nouveau les conditions d’exploitation des chemins de fer. Ne cherchons pas à nous figurer ce que seront ceux-ci vers le milieu du XXe siècle. Si nous mesurons par la pensée la route parcourue depuis cinquante ans, si nous songeons combien la situation actuelle est différente de celle du début, nous reconnaîtrons l’inanité des prédictions qu’on essaierait de faire aujourd’hui aussi bien sur la valeur future des lignes ferrées que sur le mode de leur exploitation. Alors même que la voie métallique n’aurait pas fait place à quelque système nouveau, à des supports liquides par exemple comme il en a été expérimenté dans les chemins glissans, les moteurs auront peut-être subi des transformations radicales. Les essais de locomotives électriques ne sont que le bégaiement d’une force nouvelle qui révolutionnera les transports comme d’autres industries. Les voitures ordinaires qui circulent sur les chaussées ne seront-elles pas capables, un jour ou l’autre, grâce à des propulseurs à pétrole, à gaz ou de quelque autre nature, de nous transporter si rapidement que nous aurons moins recours à la voie ferrée? Toutes les hypothèses sont permises. Il serait donc d’une