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ROME ET LA RUSSIE

La mort d’Alexandre III, suivie de l’avènement d’un nouveau monarque, ont attiré sur la Russie les regards de l’Europe. Il est donc à propos de parler de la Russie. Et si beaucoup d’écrivains éminens se livrent en ces temps-ci à de profondes considérations politiques au sujet de cet empire et de la paix européenne, il est sans doute permis à d’autres de s’occuper surtout de la question religieuse en Russie ; question capitale, s’il en fut, pour l’avenir de la Russie, et pleine d’importance aussi au point de vue de l’union des Églises. L’union de l’Église russe avec Rome, centre de l’orthodoxie catholique, n’est pas impossible; et, quoique hérissée de difficultés, elle est moins difficile, peut-être, qu’on ne se le figure généralement. C’est ce que nous allons tâcher de prouver.


Partons du vrai point de départ. Jésus-Christ a-t-il fondé plusieurs Églises? Je réponds, avec le symbole de Nicée : « Credo in UNAM, sanctam, catholicam et apostolicam Ecclesiam : Je crois en l’Église UNE, sainte, catholique et apostolique. » Voilà les paroles que prononcent publiquement et solennellement tous les chrétiens, tant russes, grecs, syriens, etc., que catholiques romains. Tous croient en l’Église une; et l’unité est, pour les chrétiens d’Orient comme pour ceux d’Occident, la première des marques de la vraie Église du Christ. Il n’y a donc qu’une Église de Jésus-Christ : tous sont d’accord sur ce point. Reste à voir quelle est cette Église.

Depuis l’époque apostolique jusqu’au IXe siècle de notre ère, jamais cette question ne fut posée. « Ubi Petrus, ibi Ecclesia : Là où est Pierre se trouve l’Eglise » : en ces mots peut se formuler toute la tradition écrite tant de l’Orient que de l’Occident,