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J’en mêlerai la libre allégresse à mes rêves;
Et par les tièdes nuits, alors que sur mon front
Les feuilles des palmiers lentement frémiront,
Je croirai voir flotter autour de moi les voiles
D’Hélène, aux yeux plus clairs que les claires étoiles,
Car la grande Princesse au charme ensorceleur
Pour qui tant de héros ont péri dans leur fleur
N’a pas abandonné son lumineux royaume ;
Les siècles n’ont pas eu raison du fier fantôme;
Ils n’ont pas su coucher dans le commun tombeau
L’esprit altier des Grecs et leur amour du Beau ;
Et sur tout golfe où rit la Méditerranée
Cette Hélène immortelle apparaît, couronnée
De roses, et tendant au cœur inquiété
La coupe de jeunesse et de sérénité.


Paris.


AU BORD DE LA MER


J’imagine parfois comme adorable asile
A quelque amour heureux, un coin dans une ville
Claire et couchée au bord de la mer du Midi.
Un rien de brise fraîche épars dans l’air tiédi
Mêlerait le parfum des beaux fruits exotiques
A des parfums de fleurs, et, devant les boutiques
Toutes pleines d’oiseaux venus des cieux lointains,
Un peuple passerait, de noirs, de Levantins,
De matelots d’Afrique et de marins d’Asie ;
Et toujours flotterait sur la ville choisie
Un parler de hasard, bariolé, joyeux,
Tandis que sur les flots le soleil radieux
Prodiguerait là-bas sa poussière de flammes.
Et le rêve serait d’avoir, auprès des lames,
Une maison étroite, et de vivre en s’aimant,
Dans un repos bercé par le susurrement
Confondu de la mer azurée et profonde,
Et de la ville claire où frémirait un monde.


Marseille.