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entrer comme professeur de philosophie au collège Henri IV. Il demande, sans l’obtenir, qu’on le désigne comme agrégé pour les classes de philosophie. Lorsqu’il est nommé agrégé suppléant pour les lettres à Charlemagne, il considère cette besogne comme accessoire. Ce qui l’occupe pendant tout l’hiver 1821-1822, c’est l’Histoire de la philosophie de Deslandes, les Essais de Reid, la Philosophie de l’esprit humain et l’Histoire des sciences métaphysiques de Dugald-Stewart, le Traité des signes de De Gérando et l’Histoire de Gibbon qui est aussi pour lui une lecture philosophique. Il se met à traduire Reid et Dugald-Stewart. Il faut noter pourtant qu’un instinct secret le détournait des spéculations métaphysiques et de la philosophie purement doctrinale pour l’attirer vers la philosophie du langage, l’histoire des idées et des mœurs, la philosophie de l’histoire. Il était poussé de ce côté non seulement par l’attrait qu’exerçaient la réalité et la vie sur sa puissante imagination, mais aussi par les tendances mêmes de l’école de Condillac et de l’école Écossaise qui faisaient une place considérable à l’histoire et à la linguistique. De bonne heure se fit jour dans son esprit l’idée que l’étude de l’histoire est la contre-épreuve de l’observation psychologique, que la psychologie de l’individu est étroitement liée à celle des peuples. Dès 1819 il médite d’écrire un livre sur le Caractère des peuples trouvé dans leur vocabulaire ; en 1822 il songe à un Essai sur la culture de l’homme, puis à une Histoire philosophique du christianisme, enfin à des essais philosophiques sur les poètes. Une cause accidentelle acheva de déterminer sa vocation et de lier indissolublement en lui l’historien au philosophe. L’abbé Nicole, l’ami du duc de Richelieu, qui, après une brillante carrière pédagogique en Russie, avait conquis en France une situation considérable dans l’instruction publique comme membre du Conseil royal et comme recteur de l’Académie de Paris, et qui connaissait et appréciait Michelet, l’appela à professer l’histoire au collège Sainte-Barbe dont il avait été un des fondateurs. C’est pour l’usage de ses élèves que Michelet publia en 1825 un Tableau chronologique de l’histoire moderne (1453-1789), et en 1826 des Tableaux synchroniques de l’histoire moderne (1453-1648). L’admirable ''Précis d’histoire moderne qui fut composé de mai à novembre 1827 est le résumé de ses cours de Sainte-Barbe.

Il n’abandonnait pas pour cela ses études philosophiques. Il continuait à étudier De Gérando et Dugald-Stewart ; il lisait Kant, Auguste Comte, Saint-Simon, Smith, Paley, Fergusson ; et surtout il vivait plongé dans les œuvres de Vico. Il entreprend le 28 juin 1824 une traduction de sa Philosophie de l’histoire. Elle