Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1895 - tome 127.djvu/354

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

d’attendre. Et le dernier ordre donné par lui le 31, — et qu’un officier ennemi ramassera le lendemain sur le champ de bataille de Sedan[1], — prescrivait pour le 1er septembre « repos général de toute l’armée ».


VII

Mais à cette heure les élémens de ruine assemblés par nos fautes et par l’habileté de nos adversaires se combinent comme d’eux-mêmes pour tout précipiter, et les avantages que Mac-Mahon avait le droit de croire les plus assurés lui sont ravis par des circonstances fortuites, comme si le hasard même avait passé à l’ennemi.

Le soir du 31 août 200 000 rations à peine ont été distribuées, il en devait rester 800 000 dans la place, elles n’y sont plus. Le chef de gare les a sans ordre expédiées à Mézières. Le 2 septembre les troupes n’auront plus de vivres : il faut donc que dès le lendemain le maréchal reprenne sa marche pour échapper non à l’ennemi, mais à la faim. En même temps, il apprend que la Meuse, derrière laquelle il se croyait à l’abri de Bazeilles à Mézières, ne le couvre plus. Une compagnie du génie qui devait détruire le pont de Donchery a pris le même train qui emportait à Mézières les 800 000 rations de Sedan. La compagnie est descendue de wagon à Donchery, mais le train est reparti sans qu’on déchargeât la poudre ni les outils destinés à la destruction du pont. Le maréchal, averti à 10 heures du soir, a aussitôt envoyé un détachement avec les engins nécessaires, mais nos soldats ont trouvé le pont déjà occupé par les Allemands et n’ont pu le faire sauter. A Bazeilles les poudres ne sont arrivées de même qu’après l’ennemi : celui-ci a commencé à passer.

L’ennemi en effet sent la victoire mûre et veut la cueillir. Le 31 au soir, toutes ses troupes savent quels mouvemens elles doivent exécuter cette nuit même, pour commencer dès le lendemain matin la bataille décisive. L’armée du prince de Saxe qui, suivant la piste des troupes françaises, a passé la Meuse à Romilly et à Mouzon, est chargée de nous barrer le passage à l’est, du fleuve à la frontière. La droite de la troisième armée donnera la main au prince de Saxe, et bordera la rive gauche de la Meuse de Bazeilles à Donchery pour contenir les Français s’ils essaient de s’échapper par le sud. Enfin la gauche de la troisième armée, par le pont de Donchery et deux autres qu’elle a jetés sur le fleuve, doit le franchir et, nous fermant toute issue à

  1. La Guerre franco-allemande, par le grand État-major prussien : Sedan, p. 1087.