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se donnera la gloire d’avoir produit une œuvre bonne, utile, durable. Mais à quel titre l’Administration empruntera-t-elle à des plans qu’elle n’a pas achetés les idées originales qu’ils peuvent contenir ? Elle n’aura même pas la ressource de leur distribuer un peu d’honneur, puisqu’ils n’auront pas été appelés à la peine.

Personne n’imaginait que tant de bons esprits et d’hommes de talent se mettraient en campagne pour une fin aléatoire, et en quelque sorte inaccessible. Comme à l’occasion de tous les concours, le bruit courait dans les ateliers que l’Administration avait ses plans préconçus et ses choix arrêtés. Nous ne saurions attacher à ces rumeurs un sens injurieux. Il est certain qu’une administration qui, à la veille d’une si grande entreprise, s’y engagerait témérairement, sans savoir ce qu’elle veut, sans voir où elle va, serait une administration au-dessous de sa tâche et qu’il faudrait casser aux gages. Le Commissariat et l’Administration savent où ils tendent. Je ne crois pas me tromper en disant qu’à leur sens toute la nouveauté pour 1900 doit se manifester sur les rives de la Seine et sur les Champs-Elysées.

Au Trocadéro on voudrait ne rien changer ; le décor a de la beauté. Le Champ-de-Mars a déjà beaucoup servi. Il serait téméraire d’y renouveler « la rue du Caire. » La sagesse et l’économie sont d’accord pour commander que tous les anciens bâtimens encore debout soient conservés. La charge, confiée à M. Bouvard, de directeur des services d’architecture indique que tel est le désir de l’administration. M. Bouvard a pris une large part aux travaux de la dernière exposition. C’est lui qui a élevé la galerie de 30 mètres et le dôme qui en couronne l’entrée. La ligne élégante de ce dôme est malheureusement brisée par des ornemens saillans qui ne sont imposés ni par le goût ni par le besoin. Ces rugosités rompent la ligne et sont en contradiction avec la nature des choses. Un dôme est un toit arrondi. Si vous y pratiquez des reliefs saillans, vous contrariez l’écoulement de l’eau ; il se forme des retenues ; vous n’avez plus un toit, mais une sorte d’encrier colossal qui, réduit à sa juste mesure, figurerait assez bien dans les concours ouverts par les magasins de nouveautés.

Lorsque Mansard Hardouin construit le dôme des Invalides, il tourne ses regards vers Rome et vers Florence. Il est préoccupé de cette idée de ne copier ni Brunelleschi, ni Bramante, ni Michel-Ange. Il partira des mêmes principes, mais son œuvre sera différente ; sa coupole sera plus élancée qu’à Saint-Pierre et moins aiguë qu’à Sainte-Marie-des-Fleurs. Il lui fera épouser une courbe nouvelle très gracieuse, très élégante, et pour que l’effet soit tout à fait neuf, il en fera jaillir des trophées militaires,