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Page:Revue des Deux Mondes - 1895 - tome 127.djvu/420

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intérieure du chancelier et l’état d’esprit des principaux hommes d’Etat prussiens à cette date.


I

Hardenberg apportait an ministère, à la suite de ses discussions avec Altenstein, tout un programme financier ; mais ce serait une erreur de croire qu’il attachât à ses conceptions une importance ou une fixité particulières. Il avait conçu ce programme dans ses démêlés avec son prédécesseur ; c’avait été son arme de combat ; et nous verrons qu’il eut ceci de commun avec beaucoup de programmes politiques d’être souvent modifié et en fin de compte médiocrement appliqué. Les idées de Hardenberg étaient fort mobiles, et les historiens prussiens, qui sont volontiers sévères pour lui, ont quelque droit de le taxer, comme ils font, à la fois d’étourderie et de rouerie[1].

Ses adversaires, tout au contraire de lui, étaient des doctrinaires, et l’opposition des caractères n’était pas moins sensible que celle des idées.

C’est avec Niebuhr que la querelle fut la plus vive. L’origine de la dissidence n’est pas très claire. Niebuhr lui-même déclare que, malgré l’irrégularité de la conduite privée de Hardenberg, il s’était, au début, senti attiré vers le chancelier par une secrète sympathie, et que jamais personne, sauf Jean de Muller, ne lui causa pareille déception. Il ne nous dit pas d’où vint cette déception ; probablement point des erreurs financières du chancelier, plus vraisemblablement de ce que les sentimens personnels de Niebuhr le portèrent plutôt du côté d’Altenstein que de celui de Hardenberg dans le conflit qui s’était engagé entre les deux ministres. Nous nous souvenons que Niebuhr avait été le seul des subordonnés d’Altenstein qui eût refusé de collaborer au renversement de son chef.

Quoi qu’il en soit, les déceptions de Niebuhr se traduisirent avec beaucoup de vivacité et quelque peu d’aigreur. Au lieu de prendre le programme financier de Hardenberg pour ce qu’il était réellement, c’est-à-dire pour un thème à discussions, il partit en guerre avec la dernière violence. Il remit solennellement au roi, sans passer par l’intermédiaire du ministre, et directement, une critique véhémente des projets de Hardenberg, où il accusait le chancelier, se montrant en cela mauvais prophète, de conduire l’État à sa perte[2].

  1. Treitschke, Deutsche Geschichte, I, p. 369, 381. — Karl Mamroth, Geschichte der preussischen Staats-Besteuerung, p. 201.
  2. Hausser, Deutsche Geschichte, III. p. 489. — Ranke, Hardenberg, IV, p. 238. — Pertz, Stein’s Leben, II, p. 480, 508. — Seeloy. Life and Times of Stein, II, p. 412.