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La fécondation artificielle, c’est-à-dire celle qui se fait dans les serres par les mains mêmes du naturaliste amateur, offre à celui-ci des sujets d’observation les plus intéressans, sans parler du vif plaisir que lui cause la réussite d’une hybridation savante. Il faut bien se dire tout d’abord que la fécondation artificielle ne doit se faire que sur des sujets vigoureux. Que de surprises alors vous attendent ! Lorsqu’on la pratique sur une fleur de Lœlia, Cattleya, Ansellia, ou quelques autres genres de cette famille, seule, la fleur opérée se refermera ; toutes celles qui sont portées sur la même hampe ne subiront aucune altération ; elles continueront à jouir de la joie d’exister comme par le passé, et leur imperturbable épanouissement produira un singulier contraste avec l’aspect attristé de la fleur fécondée. Mais si l’opération s’est faite sur une fleur de Phalœnopsis schilleriana, comme elle s’est faite sur celles que j’ai citées, cette fleur se refermera dès le lendemain, et, pour comble de singularité, deux jours après, toutes les-autres fleurs, quel qu’en soit le nombre, se flétriront à leur tour.

« Qu’un groupe naturel de plantes, nous dit M. E. de Puydt, le savant président de la Société des sciences, des arts et des lettres du Hainaut, produise des variétés, ou, par métamorphose d’organes, des fleurs doubles, c’est là un fait qui n’étonnera personne ; que des espèces et même des genres se croisent entre eux et donnent des hybrides, c’est à la botanique de voir si ces espèces et ces genres ne sont pas purement artificiels ; mais les singularités des Orchidées ne s’arrêtent pas là. En veut-on un exemple ? Une espèce de Bornéo, la Vanda Lowi, montre invariablement sur la même grappe deux sortes de fleurs, notablement différentes de taille, de forme et de couleur. Les deux fleurs de la base sont les plus grandes ; leur couleur est jaune orangé, avec quelques taches de rouge brun. A quelques centimètres plus haut, — la hampe peut s’élever jusqu’à trois ou quatre mètres, — commence une autre série de fleurs jaunes, fortement barrées et maculées de pourpre. Les unes et les autres ne se mêlent jamais. » Cette confusion de types, impossible à expliquer, se présente chez d’autres espèces, et il est aisé de s’imaginer quelle émotion elle cause lorsqu’elle se produit en Europe, dans la serre d’un amateur.

Nous avons déjà dit que Linné, en 1774, s’occupa des Orchidées ; Jussieu et ses émules l’imitèrent. Mais les premiers voyageurs dont les découvertes ont fourni une riche moisson et des renseignemens précis sur la flore et la température des régions tropicales, sont les explorateurs Alexandre de Humboldt et Aimé Bonpland. Leurs découvertes, de 1799 à 1802 furent publiées par