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Page:Revue des Deux Mondes - 1895 - tome 127.djvu/563

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de blé, les Etats-Unis, la production du froment est restée stationnaire depuis dix ans, pendant que la surface emblavée s’est réduite. Les cultivateurs américains ont obtenu, en 1894, avec 33 millions d’acres, grâce à des perfectionnemens de culture, la même quantité de blé qu’en 1884 avec 39 millions d’acres. Pendant la même période, la population des États-Unis s’est accrue de 12 millions d’habitans. La consommation locale est devenue d’autant plus importante, et forcément l’Amérique aura moins de froment à envoyer en Europe dans un prochain avenir qu’elle n’a fait dans la dernière décade.

Il y aurait, de ce fait, une raison pour notre agriculture d’espérer un temps d’arrêt dans la baisse des prix, sinon un relèvement prochain, si, dans le reste du monde, ne s’accusaient des accroissemens considérables, notamment dans l’Inde, la Russie, la République Argentine et nombre d’États secondaires. L’exemple le plus curieux est celui de la République Argentine, où une immigration italienne, sobre, laborieuse, a donné depuis peu d’années à la production agricole un essor singulièrement vigoureux. L’exportation de froment de ce pays a dépassé cette année 20 millions d’hectolitres. Le cultivateur italien, transplanté dans les plaines argentines, vit de peu et trouve encore une rémunération suffisante de son travail en obtenant de son blé 4 fr. 80 à 5 francs l’hectolitre en or. Il est vrai que, par suite de l’élévation du change à 350 pour 100, cette piastre or représente, dans le pays même, 3 piastres 1/2 en papier-monnaie, soit 17 fr. 50. Ce fait lui assurerait un avantage formidable sur tous les producteurs du monde auquel il fait concurrence, si, comme le donnent à entendre les économistes qui veulent expliquer par le phénomène du change toutes les perturbations économiques de l’heure présente, le cultivateur italien des États de la Plata pouvait se procurer, avec le prix de son hectolitre de blé, la même quantité de marchandises qu’obtient un Français avec 17 fr.50. Mais il n’en est pas ainsi, les marchandises ayant haussé de prix dans la République Argentine à mesure que se tendait l’écart entre la monnaie d’or et la monnaie de papier. Il reste bien au crédit du cultivateur argentin une partie de l’écart, constituant ce que l’on a appelé assez heureusement la prime du change à l’exportation ; mais l’élément le plus sérieux de cette prime est encore la sobriété de l’immigrant italien qui ouvre le sol argentin sur des espaces de plus en plus vastes chaque année, et l’infime rémunération dont il se contente pour son dur labeur. Ce sont les blés argentins et hindous qui, par leurs bas prix, déterminent en grande partie les cotes du froment à Londres, puisque, malgré