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Page:Revue des Deux Mondes - 1895 - tome 127.djvu/567

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des engrais un tarif commun unique, en vigueur depuis le 1er octobre dernier, et qui constitue une amélioration notable sur l’ancien état de choses.

Le ministre de l’agriculture a fait vaillamment son devoir, pendant les vacances parlementaires, pour assurer le succès de la campagne engagée par la science et par le sentiment des vrais intérêts du pays en faveur du perfectionnement le plus rapide possible de nos modes de culture. Il est allé porter la bonne parole dans toutes les parties de la France, et il a prononcé plus de discours devant des associations agricoles qu’un certain ministre des travaux publics n’avait inauguré, dans le même laps de temps, de tronçons de chemins de fer. M. Viger a donné à nos populations des campagnes de très sages conseils et leur a tenu en général un langage des plus sensés. Partisan convaincu du droit de douane sur le blé, il n’a cessé toutefois de répéter dans ses longues pérégrinations, aux cultivateurs du Nord et de l’Ouest, comme aux viticulteurs de la Côte-d’Or, que le droit de douane ne pouvait être considéré comme l’unique moyen de résister à la concurrence étrangère et au déclin continu des prix, que le remède le plus sûr était la vulgarisation de l’usage scientifique des engrais et l’amélioration rationnelle des modes de culture.

Là est la vérité, là est la solution de la crise agricole. Le perfectionnement de nos méthodes agricoles est une question d’intérêt national. Si le rendement du soi français atteignait seulement le niveau de celui du sol belge, nous produirions 140 millions d’hectolitres de blé ; et notre production, au taux du rendement anglais, atteindrait 200 millions d’hectolitres. Il est impossible de calculer le prodigieux accroissement de richesses qui résulterait d’une telle révolution, dont les premiers résultats seraient une vigoureuse exportation de froment et de grands bénéfices pour l’agriculteur, puisque, avec la même étendue cultivée et les mêmes frais de main-d’œuvre, il recevrait, à prix légal par hectolitre, une somme plus forte de 25 à 40 pour 100 que celle qu’il obtient aujourd’hui. L’étendue emblavée de nos terres pourrait être réduite au profit soit de la culture maraîchère soit de l’élève du bétail ; un mouvement de reflux se produirait des villes dans les campagnes ; et la population française, qui a cessé de croître, si elle ne décroît même déjà, accuserait avant peu un sensible excédent de naissances. Ce n’est pas d’ailleurs pour le froment seul que les rendemens pourraient être élevés dans une forte proportion, mais pour toutes les autres cultures : avoine, pommes de terre, betteraves fourragères, maïs, bois, légumes, plantes industrielles. La consommation générale en blé, viande et autres