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deux cinquièmes la récolte de maïs qui, avec la continuation d’un temps favorable, se fût peut-être élevée à 2 500 millions de bushels. Cette différence représentait une valeur perdue de plus de 2 milliards de francs. La Nation de New-York demandait malicieusement si un Congrès, pour spécialement malfaisant qu’on le supposât, serait capable de causer au pays un pareil dommage, au moins en une seule session. N’est-il pas singulier que pendant six mois, aux États-Unis, on ait attendu le remède à une telle crise d’un simple remaniement du fameux bill Mac-Kinley ?

Au mois d’août enfin ce remaniement a été voté, non pas celui qu’aurait voulu le président M. Cleveland, le nouveau tarif libéral que réclamait la Convention démocratique nationale dans sa platform de 1892, mais un tarif bâtard, élaboré par le Sénat sous l’influence du fameux syndicat des raffineurs, le bill boiteux dont M. Cleveland disait, dans une lettre publique au représentant Wilson, que son adoption serait un déshonneur pour le parti démocrate, un abandon criminel de toutes les promesses faites au pays. La Chambre des représentans s’est décidée, de guerre lasse, à voter ce tarif un peu moins protectionniste que celui de Mac-Kinley, mais point du tout libre-échangiste.

Les droits d’entrée qu’il maintient sont encore si élevés qu’il paraissait chimérique d’espérer d’une si faible évolution économique un réveil bien marqué de l’activité commerciale, et pourtant la reprise d’affaires prévue s’est produite. De simple et fragile espérance qu’elle était il y a quelques mois, elle est devenue une réalité. Les trois baromètres qui aux États-Unis indiquent les variations dans l’état économique du pays, savoir : les chiffres des clearings, le montant des prêts des banques, le nombre des hauts fourneaux allumés, ont accusé une saute brusque de l’aiguille vers le point où la prospérité s’annonce. La Bourse, comme toujours, avait pris les devans, poussant toutes les valeurs, surtout celles des chemins de fer, escomptant les événemens. Puis la hausse s’est arrêtée, mais l’animation du commerce général devenait visible; des ordres d’achat, d’importance inusitée, étaient expédiés, du sud et de l’ouest, aux villes manufacturières du centre et de l’est, les banques envoyaient dans l’intérieur de nombreux capitaux pour la « mobilisation » des récoltes; des soies étaient vendues aux enchères pour un demi-million de dollars en une semaine.

Toute cette renaissance apparaissait encore assez précaire ; de fait, les recettes des chemins de fer ne se sont que médiocrement relevées ; le trafic se ressentait du déficit causé par la sécheresse dans la récolte du maïs; un autre trait moins favorable de la situation a été la persistance de l’avilissement des prix du blé, du