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voûte du couloir descendant. Pour découvrir le premier, le colonel Wyse dut se creuser un chemin vertical à travers la maçonnerie. Il pénétra ainsi dans la grande galerie ascendante. Encore trouva-t-il la chambre du sarcophage barrée par une plaque et quatre herses de granit qui en défendaient le vestibule. Ainsi fut découverte la haute chambre funéraire du pharaon Khoufou, de la IVe dynastie, vivant environ quatre mille ans avant notre ère. Dans son sarcophage vide, on ne trouva qu’un peu de terre. Aujourd’hui cette exploration est plus aisée, mais l’effort qu’elle exige est toujours pénible. Un trou noir s’ouvre à la dix-huitième assise de l’escalier géant, à quarante-cinq mètres au-dessus du sol. Il est protégé par un fronton composé de deux énormes quartiers de roc formant un angle obtus. Le couloir n’ayant qu’un mètre de hautj on n’entre qu’en se baissant. Telles sont les fourches caudines de ce tombeau royal. À peine quelques entailles grossières dans la déclivité perfide des dalles luisantes. On glisse, on tombe, on avance en rampant, Enfin on roule dans une sorte de puits ténébreux. Plus de jour dans ce trou mal éclairé par les pauvres chandelles vacillantes que l’on tient en trébuchant. Beaucoup de voyageurs parvenus à ce point perdent courage et s’en retournent haletans, la tête congestionnée, vers l’issue où brille la lumière libératrice. Mais qui veut atteindre le cœur de la pyramide doit ramasser maintenant toutes ses forces. Il faut grimper et se tordre par une sorte de spirale pour gagner le couloir ascendant. Là, on avance le dos courbé, on recommence à ramper dans les ténèbres avec son lumignon. Une chaleur oppressante vous prend à la gorge ; elle augmente à chaque pas, on étouffe. Il semble que la maçonnerie compacte de la pyramide vous pèse sur la poitrine et va vous écraser. Tout à coup le couloir s’élève. Un fil d’aluminium allumé éclaire une galerie majestueuse, haute de huit mètres dont les assises supérieures s’avancent en encorbellement. On respire, et l’on pourrait se croire à l’entrée d’un temple magnifique s’il y avait des marches taillées dans cette pente glissante. Mais ce ne sont que de légères entailles à la distance d’un mètre et l’on avance à grand’peine, avec des chutes fréquentes à moins de se faire soutenir par les Bédouins qui grimpent comme des chats dans ce corridor fantastique. Les pierres sans ciment sont si merveilleusement ajustées qu’on ne passerait pas une aiguille entre elles et que toutes les surfaces luisent comme des glaces. Enfin le chemin s’aplanit, on traverse le vestibule et on pénètre dans le caveau royal, long de dix mètres sur cinq de haut et de large. Il est entièrement nu. Pas une figure, pas une inscription sur les murs. Un sarcophage vide et mutilé, sans couvercle. La mort sans phrase. Ce refuge contre la destruction de-