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Page:Revue des Deux Mondes - 1895 - tome 127.djvu/800

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nationale. Le conseil demanda et obtint de M. Schneider que le Corps législatif ne fût pas convoqué avant le lendemain 4 septembre à midi. À ce moment le pouvoir n’aurait plus qu’à défendre la Chambre et lui-même par la force.

Cette force était fort réduite par la guerre même. Il faut rendre à la régence cette justice ; si elle avait joué notre avenir, du moins avait-elle mis toutes ses ressources, sans rien se réserver pour elle-même, sur la carte qu’elle avait choisie. Tous les corps capables de combattre avaient été envoyés à Mac-Mahon : aux politiques effrayés que le gouvernement se livrât à la fidélité douteuse de Paris, l’impératrice avait répondu : « Songeons d’abord aux Prussiens. » Par suite, il ne restait d’armée régulière à Paris, sous le nom de 14e corps, que des troupes en formation, pas plus de cinq à six mille hommes enrégimentés. Encore ces régimens, composés de recrues, étaient-ils sans esprit militaire et déjà travaillés par la démagogie.

La garde nationale était l’opinion armée de Paris. Des nouveaux bataillons il n’y avait rien à espérer. Les anciens, même les meilleurs, n’étaient pas disposés à tirer sur des Français pour défendre l’empire ; mais quelques-uns, bien choisis, combattraient peut-être les manifestations jusqu’aux coups de fusil exclusivement. La garde mobile n’était pas moins divisée : certains bataillons de province semblaient plus solides que les régimens du 14e corps : mais d’autres avaient déjà respiré l’air de Paris, mortel à la discipline. Seuls, les mobiles de la Seine, campés à Saint-Maur, étaient soustraits à la contagion, mais ils la portaient en eux-mêmes ; nulle troupe n’était plus hostile au gouvernement, et le plus prudent était de les tenir assez éloignés pour qu’ils ne prissent pas la tête de l’émeute.

La garde municipale et les sergens de ville étaient les seuls corps sur lesquels le gouvernement pût faire fond. Ces troupes de police comptaient plus de 7 000 hommes, anciens soldats, fortement encadrés et rompus à l’art de maintenir l’ordre dans les foules. Les sergens de ville surtout, désignés aux rancunes de tous les perturbateurs, et que le triomphe de la révolution menaçait dans leur sûreté personnelle, étaient attachés à leur devoir par leur intérêt même.

C’est donc sur ces troupes de police que le gouvernement fondait son principal espoir. Il leur avait adjoint 4 escadrons de gendarmerie qu’il appela de la banlieue. Il tenait pour certain que ces 8 000 hommes suffiraient à imposer à l’émeute ; que tout au moins, s’ils formaient l’avant-garde des troupes engagées, ils ne se laisseraient pas entamer sans combat ; aux premiers coups de feu reçus par les autres troupes, celles-ci, quelle que fût, l’instant