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Page:Revue des Deux Mondes - 1895 - tome 127.djvu/803

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de fidèles autour de la colonne Vendôme ; le flot du peuple coula de lui-même vers la place de la Bastille ; des drapeaux furent arborés, parmi lesquels des drapeaux rouges ; la manifestation revint par la voie classique des boulevards ; elle assaillit deux postes ; deux coups de feu furent tirés sur la police et le bruit fut répandu que la police tirait sur le peuple.

L’élan de la population changeait tout à coup les chances du parti révolutionnaire.

Jusque-là, il avait poussé, mais suivi les députés républicains, mécontent de leurs lenteurs, trop faible pour rien tenter malgré eux. Après le 27 août, jour où le corps de Vinoy avait quitté Paris, les instances de ce parti étaient devenues plus pressantes. Il sentait la partie belle contre le gouvernement démuni de troupes. La gauche avait imposé la patience par la promesse d’un changement qu’elle se disait chaque jour à la veille d’obtenir par le vote de la Chambre. Or, le gouvernement était demeuré le même, c’est lui qui annonçait encore Sedan, son crime, à la France ! Seul le parti de l’action avait été prudent et sage ! Si la Révolution s’était faite comme il le voulait, le 9 août, une autre direction eût été donnée à la guerre ; si même, dans les derniers jours d’août, l’on n’avait pas mis obstacle à son énergie, l’armée de Mac-Mahon, rappelée du bord de l’abîme, au lieu de prendre en captive les chemins de l’Allemagne, dresserait ses tentes autour de Paris ! Il fallait en finir avec l’impuissance égale des candidats officiels et des républicains parlementaires, et faire place nette au peuple, seul assez fort pour réparer le mal ! Ces emportemens éclataient à une de ces heures où les plus violens paraissent les plus patriotes. Les chefs de la démagogie, après avoir tâté la foule, le 3 au soir, se crurent assurés d’avoir, le lendemain, derrière eux, la plupart de ceux que, la veille, ils eussent trouvés en face d’eux. Le mot d’ordre fut donné de marcher le lendemain à midi sur la Chambre.

Tandis que la Révolution fixait ses projets, son champ de bataille et son heure, c’était au Corps législatif à mettre à profit, pour préparer sa défense, le temps qui lui était laissé. Mus par cette pensée, une trentaine de députés, appartenant à tous les partis, se trouvèrent, sans s’être entendus, de huit à neuf heures, chez le président Schneider, pour réclamer la convocation immédiate de la Chambre. Celui-ci, depuis l’issue du conseil, songeait, avec une anxiété croissante, à l’ajournement qu’il avait consenti. Après son entretien avec les députés, il pensa que son devoir envers la France le déliait des engagemens pris avec des ministres. À 10 heures du soir, il convoqua la Chambre pour minuit et avertit le gouvernement.