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la cour d’honneur, le jardin de la présidence, se presse dans les bureaux, où les députés sont encore, et ne s’arrête qu’au moment où elle se fait obstacle à elle-même, la masse de ceux qui remplissent le palais ne pouvant plus être pénétrée.

Seule la salle des séances, que les huissiers et les factionnaires ont protégée avec plus d’énergie, est respectée encore ; enfin la foule y pénètre aussi.

La gauche parlementaire a trop vaincu ; c’est elle qui, par la garde nationale, a ouvert la route à l’envahissement, et l’envahissement empêche le Corps législatif de proclamer le pouvoir qu’il est tout prêt à établir. C’est à la gauche parlementaire, seule autorité qui ait crédit sur la majorité des envahisseurs, à obtenir que la salle des séances soit respectée. Elle s’y emploie : chacun des députés de Paris s’efforce de décider la foule à ne pas envahir la salle ou à la vider. On renonce à faire déguerpir les occupans des tribunes ; il suffira qu’on rende libres les places réservées aux législateurs. Mais dans cette foule mouvante, ceux qui deviennent dociles sont remplacés par d’autres, l’on s’épuise à convaincre toujours de nouveaux venus, le temps s’écoule. Enfin on est parvenu à refouler vers les portes les envahisseurs de l’hémicycle : le président Schneider profite de ce succès pour reprendre la séance à deux heures vingt minutes.

M. Gambetta possède à cette heure plus que personne ce qui assure l’autorité sur les foules, la notoriété et une forte voix. S’adressant aux spectateurs, il dit que la gauche s’est engagée vis-à-vis de la Chambre à faire respecter la liberté de la délibération et demande que dans chaque tribune un groupe se charge d’assurer l’ordre.

Le public applaudit. Il se fait assez de silence pour que la délibération semble possible. La plus grande partie des députés rentre et reprend séance. Il ne manque plus pour consacrer enfin un gouvernement nouveau que l’adhésion certaine de la Chambre au rapport de la commission.

Mais cette commission ne paraît pas. Son œuvre, si simple qu’elle soit, a été retardée par l’envahissement : au milieu de la foule, les commissaires ont dû, après s’être cherchés eux-mêmes, chercher une place où ils pussent délibérer, fût-ce d’un mot, et constater en quelques lignes leur accord. Cette œuvre n’est pas encore achevée. Pour faire prendre patience aux tribunes, M. Schneider essaie le moyen ordinaire aux assemblées, et veut remplir le vide du temps par le vide des paroles. Il commente l’exhortation de Gambetta, et la délaie dans les avis qu’il y ajoute et qui gâtent tout. Le peuple ne souffre pas les conseils de tout le monde : ces envahisseurs, pour la plupart, ne savaient ni les