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trouve. La diplomatie occidentale, à son tour, doit être prête pour les événemens qui se préparent : elle serait dès maintenant inexcusable de ne les avoir pas prévus.


Mais elle l’a fait, certainement, puisque la reine Victoria, dans son discours adressé au Parlement qui vient de rentrer en session, a inséré la phrase suivante : « Je vois avec regret que la guerre se poursuit entre la Chine et le Japon. J’ai maintenu une entente complète et cordiale avec les puissances qui ont des intérêts dans ces régions, et je ne manquerai pas de saisir toute occasion favorable pour provoquer la cessation des hostilités. » La France et la Russie sont évidemment les puissances auxquelles le discours du Trône fait allusion. Le message glisse d’ailleurs assez rapidement sur les questions de politique étrangère ; il ne parle guère que de l’arrangement conclu avec nous pour la délimitation des frontières entre la colonie anglaise de Sierra-Leone et nos possessions voisines, et enfin des troubles de l’Arménie et de l’entente qui s’est faite entre la Porte et plusieurs puissances européennes pour la nomination d’une commission d’enquête, auprès de laquelle ces puissances seraient représentées. « Mes relations avec les puissances étrangères, dit la reine, continuent d’être cordiales et satisfaisantes. » Nous pouvons remarquer nous-mêmes avec satisfaction que la reine n’a rappelé que les questions sur lesquelles nous nous sommes mis d’accord avec son gouvernement.

Pour ce qui est de la politique intérieure, le discours du Trône annonce un nombre considérable de projets de loi : quelques-uns, s’ils sont jamais votés, ne le seront pas par la Chambre actuelle, et, s’ils le sont, la Chambre des lords est là pour les repousser. La guerre a été déclarée à celle-ci par lord Rosebery avec une telle violence que la question constitutionnelle pèse sur toutes les autres et doit être résolue la première. C’est du moins ce qu’a déclaré lord Salisbury lorsqu’il a pris la parole dans la discussion de l’adresse. « Il serait nécessaire, a-t-il dit, de faire un appel au peuple, et cet appel aurait déjà dû être fait au moment où la Chambre des lords a rejeté le bill du home rule. » A quoi lord Rosebery a répondu, non sans soulever quelque hilarité, que les relations qui existent entre les deux Chambres constituent un danger pour le pays, mais qu’il n’était pas opportun de proposer une mesure à ce sujet « parce que le vote de cette mesure serait suivi d’une dissolution immédiate pour laquelle le gouvernement n’aperçoit pas de nécessité ». Au fond, le parti conservateur n’a aucune hâte de voir dissoudre la Chambre; il sent bien que le temps travaille pour lui. Pourtant, un effort a été fait, et se renouvellera sans doute à la Chambre des communes pour mettre le gouvernement en demeure de procéder à des élections immédiates. La majorité libérale est aujourd’hui si faible que la manœuvre peut réussir