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Lefebvre de La Barre ; comme cet arrêt porte une disposition précise relativement à l’un de ces livres intitulé Dictionnaire philosophique portatif, et qu’ainsy il est nécessaire que le sac contenant ce livre soit promptement remis à votre greffe, le greffier de la Tournelle vient de charger le messager d’envoyer le sac par un exprès en la manière accoutumée. Le messager prendra toutes les mesures nécessaires pour que l’exprès ne cause aucune sensation dans la ville. »

Les voyages s’accomplirent sans encombre, et le 1er juillet, dès 5 heures du matin, en présence de Duval de Soicourt, l’exécuteur et ses aides firent subir au chevalier la torture préalable.

Mais ouvrons le procès-verbal :

« Du mardy 1er juillet 1766, 5 heures du matin[1].

« Procès-verbal de lecture et prononciation de sentence et arrêt à Jean-François Lefebvre de La Barre, condamné, et interrogatoire avant la question[2].

« Demande du juge au condamné. — A-t-il dit à quelqu’un : je te f… un million de crucifix au visage ?

« Réponse. — Il peut l’avoir dit, mais il ne s’en souvient pas.

« Demande. — A-t-il appris à Moisnel la chanson commençant par ces mots :

« Un jour que saint Cyr naquit,
« Il fut grand fête en Paradis, etc.

« Réponse. — Il l’a chantée, mais il ne l’a pas apprise à Moisnel.

« Demande. — A-t-il profané une hostie ?

« Réponse. — Le chevalier nie énergiquement. »

Ici les bourreaux s’emparent du condamné et le soumettent aux premières tortures :

Le procès-verbal continue :

« Le condamné appliqué à la question[3].

« Demande du juge au condamné. — A-t-il appris à Moisnel la chanson commençant par ces mots :

« Un jour que saint Cyr naquit,
« Il fut grand fête eu paradis, etc.
  1. Ainsi le supplice du chevalier de La Barre a commencé à cinq heures du matin pour s’achever à six heures du soir.
  2. La question, aux termes de l’article IX de l’ordonnance, était donnée en présence des commissaires, et modérée, variée ou aggravée suivant les caprices de ces officiers.
  3. Il s’agit ici de la question des brodequins.