quoiqu’il soit mort jeune, quelques années plus tard, — il n’avait que 28 ans en 1879, — succombant à la maladie de poitrine qui le minait, il eut le temps de profiter largement de son succès par la vente de divers brevets dans les deux mondes. En une seule région de l’Allemagne, la cession de son idée lui rapporta 3 millions. De leur côté, les maîtres de forges qui surent assurer à leurs établissemens, pour sa durée légale, le monopole de cette méthode tombée depuis un an dans le domaine public, n’eurent pas à regretter leur initiative. Le groupe d’Hayange, en particulier, lui doit un prodigieux essor.
Grâce au nombre imposant des fourneaux allumés, il arrive à l’aciérie à peu près toutes les vingt minutes une bassine de 10 000 kilos de fonte. Naguère on la versait directement dans le convertisseur ; aujourd’hui, suivant une coutume importée d’Amérique, on procède à un mélange préalable : dix bassines sont successivement vidées dans un vase qui contient 100 000 kilos de fonte liquide. Comme un négociant de Bercy qui coupe dans ses foudres des vins de plusieurs provenances, ou mieux comme un grand agriculteur qui marie ensemble le lait des vingt ou trente vaches de ses étables, l’industriel obtient un métal plus homogène, plus régulier, en rassemblant ainsi la traite brûlante de ses divers creusets.
La fonte, soutirée ensuite, et dosée par portions uniformes, va subir sa deuxième incarnation : sous une halle immense apparaissent rangés le long du mur, à mi-hauteur, six ou sept obus gigantesques ; ce sont les convertisseurs. Leur base semble une écumoire, percée d’une masse de petits trous, par lesquels entrera le vent avec une force de 1 700 chevaux-vapeur, correspondant à une poussée de 2 kilos par centimètre carré. La puissance de la soufflerie est assez grande pour que ce vase, dont le fond est ainsi troué, ne perde pas une goutte de la fonte liquide qu’il contient ; 11 500 kilos de cette fonte, jointe à 2 000 kilos de chaux et à 80 kilos de manganèse, vont produire en quelques minutes 10 000 kilos d’acier.
Le convertisseur, pour recevoir son chargement, avait pris une position horizontale. Un coup de sifflet se fait entendre ; il se redresse ; on donne le vent. Tous les mouvemens de ce mastodonte de fer lui sont imprimés par un mécanicien, immobile à nos côtés, à l’une des extrémités de la salle, devant un clavier de robinets, de leviers et de ressorts, qu’il pousse alternativement du bout du doigt suivant les signaux qui lui sont transmis. Le métal entre aussitôt en ébullition, sous l’action de l’oxygène de l’air, et pendant trois minutes un bruit terrible, tonitruant, se fait entendre ;