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très marquée en Asie, notamment en Chine, où il est intervenu, en conquérant, dit-on, et où il aurait, à en croire M. de Lapouge, « glacé » la civilisation indigène de l’Homo Asiaticus.

En Europe subsiste, à côté de l’Homo Europœus et de l’Homo Alpinus, un type que l’on a appelé Homo Mediterraneus ou, avec Bory, Homo Arabicus. L’analyse ethnique, en effet, découvre d’abord dans toute l’Europe un vieux fonds qui représente le résidu des races contemporaines du mammouth et du renne, ainsi que de celles de la pierre polie. Ce sont les bruns à tête longue, d’une taille assez petite, au nez busqué ou brisé. On les appelle race méditerranéenne, parce qu’ils dominent dans les îles et sur les côtes de la Méditerranée, dans toute l’Afrique du Nord, dans la péninsule ibérique, sur la côte figure, dans l’Italie méridionale et en Sicile. Ils sont beaucoup plus rares dans l’Italie moyenne et dans la France méridionale. Le Sémite proprement dit se distingue des autres Méditerranéens ou dolicho-bruns, par « une taille plus haute, le nez brisé et la sécheresse générale des formes. » La plupart des Méditerranéens seraient d’ailleurs croisés avec des tribus noires du nord de l’Afrique.

La seconde couche ethnique que les anthropologistes nous montrent en Europe est la race à crâne large ou brachycéphale, dont nous parlions tout à l’heure : Homo Alpinus. Ce sont les mêmes populations que Broca a proposé d’appeler Celto-Slaves. Suivant Ephore, contemporain d’Alexandre, la Celtique comprenait l’Espagne jusqu’à Cadix, la Gaule au nord des Cévennes et du bassin du Rhône, une portion considérable de la Germanie, la vallée supérieure et moyenne du Danube, le versant sud des Alpes Rhétiques et Carniques jusqu’à l’Adriatique et presque toute l’Italie septentrionale. C’est précisément là que se trouvent encore les Celto-Slaves : le témoignage de l’antiquité confirme donc celui de la science moderne. On suppose (sans preuves) que les Celto-Slaves vinrent d’Asie vers la fin de la période quaternaire ; on leur assigne même parfois une origine plus ou moins mongolique et on les appelle alors du nom vague de Touraniens[1]. La Haute Asie nous offre, prétend M. de Lapouge (qui depuis a changé d’avis), de vraies masses de Savoyards et d’Auvergnats « attardés dans leurs migrations. » Ces brachycé-phales auraient introduit en Europe les bestiaux et les plantes de l’Asie[2]. D’où qu’ils viennent, les Celto-Slaves constituent

  1. Un anthropologiste wurtembergeois, M. de Holder, a voulu caractériser ainsi les prédécesseurs à crâne arrondi des Germains en Allemagne.
  2. A quoi on objecte : 1° la brachycéphalie est moindre et moins répandue en Asie qu’en Europe ; 2° les brachycéphales n’auraient pu arriver à l’époque du bronze qu’en passant par la Sibérie et la Russie, et justement on n’y trouve guère que des dolichocéphales à cette époque, ou en passant sur le corps des Assyriens, chose historiquement impossible.