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été porté par le désir du sultan d’obvier à certaines compétitions, et il n’avait cessé d’être une véritable fiction. On jugea que le moment était venu de mettre fin à une combinaison que ne comportait plus la gravité des événemens.


IV

Les défiances et les dissentimens qui se manifestaient un peu partout se répercutaient à Constantinople avec une extrême intensité ; ils y étaient entretenus et aggravés par des exigences et des rivalités qui rendaient, chaque jour, plus ardue la tâche de la diplomatie. Par leurs antécédens et leur haute position, lord Stratford et Rechid-Pacha tenaient une place considérable. Tous deux obéissaient à des passions tenaces, d’une opiniâtreté que rien ne corrigeait. Le premier, avant d’occuper l’ambassade de Constantinople, avait été désigné pour représenter l’Angleterre en Russie. Dès qu’il en fut instruit, l’empereur Nicolas, ayant eu occasion d’apprécier le caractère du candidat, lit exprimer à Londres le désir que le cabinet anglais fît un autre choix, et il y fut déféré. Lord Stratford en garda un amer souvenir. Pendant les négociations qui ont précédé la guerre d’Orient, il a soutenu le courage des Turcs souvent prêts à défaillir, et il a ainsi fortement contribué, quelquefois contre le gré de son gouvernement, au conflit armé qui a eu la Crimée pour théâtre.

Il n’envisageait pas d’un œil plus indulgent les tergiversations de l’Autriche. Il avait pour cela deux raisons : le cabinet de Vienne avait employé toutes ses ressources à rechercher, avant l’ouverture des hostilités, les moyens de les prévenir : quand elles eurent éclaté, il se constitua le messager de la paix, offrant, à Paris et à Londres comme à Saint-Pétersbourg, les combinaisons qu’il jugeait propres à la rétablir avant même que les premiers résultats de la guerre l’eussent rendue acceptable de part et d’autre. Grâce à ces efforts, grâce surtout à la coopération éventuelle qu’elle promettait aux puissances occidentales, l’Autriche avait réussi à établir, à Vienne, le siège des négociations. C’est ce que lord Stratford ne lui pardonnait pas, car elle l’avait ainsi dépossédé du rôle prépondérant que les circonstances lui avaient attribué à l’origine, pendant que le débat, purement diplomatique, se trouvait exclusivement engagé entre la Porte et la Russie, rôle qu’il entendait conserver jusqu’à la fin du conflit et qu’il eût gardé si les négociations, après l’ouverture de la guerre, s’étaient poursuivies à Constantinople. On comprend que dans cette disposition d’esprit, que dans cet état d’âme, pour employer une expression plus moderne, les prétentions des Autrichiens, à leur