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mouton n’est un loup, et c’est pour cela qu’ils sont zoologiquement distincts.

Fût-il vrai que, dans l’histoire, les génies et les volontés énergiques sont plus fréquens parmi les crânes allongés, ce fait n’aurait pas son explication la plus naturelle dans une différence de race ou d’origine. Les conquérans ont été à coup sûr des hommes hardis et souvent féroces : ils se sont établis partout non en vertu d’une véritable supériorité intellectuelle ou morale, mais, très souvent, en vertu même de leur brutalité. Une fois établis, ils ont alimenté les classes dominantes, et comme celles-ci avaient tous les moyens de montrer les talens qu’elles pouvaient contenir, comment s’étonner que les génies, pendant de longs siècles, soient surtout nés au sein des aristocraties ? On n’en peut conclure que ce soit la forme du crâne qui les ait déterminés.

Selon M. de Candolle, la carte de répartition des hommes de valeur géniale en Europe est ponctuée d’une manière peu dense par rapport à tout le reste, mais la ponctuation a pour axe visible la ligne partant d’Edimbourg et arrivant à la Suisse. Un second axe de répartition, moins important, commence au-dessous de l’embouchure de la Seine et va rejoindre obliquement la Baltique, en coupant l’autre vers Paris. En dehors de ces deux grandes taches allongées, des points isolés et de plus en plus espacés sont éparpillés par toute l’Europe. La haute et la moyenne Italie, la vallée du Rhône, l’Allemagne du Sud et l’Autriche présentent des traces de centres secondaires, comme celui où naquirent Haydn, Mozart, mais la tâche du Nord, à elle seule, comprend les quatre cinquièmes. Là-dessus, les anthropologistes font observer que la carte des élémens dolichocéphales blonds correspond à peu près à cette carte de la répartition des hommes de génie. Pourtant, répondrons-nous, il y a en Écosse un fond celtique ; en Suisse, le nombre des talens est très supérieur à la proportion des dolichocéphales. On explique ce dernier fait, il est vrai, par l’énorme quantité de familles géniales qu’implantèrent en Suisse les réfugiés de France. Une troisième carte, celle des grands centres de la civilisation et de la densité de la population, coïncide aussi approximativement avec les deux autres, si bien que la tâche principale comprend Londres, Paris, la Belgique, la Hollande, la basse Allemagne et Berlin. — Soit, dirons-nous encore, mais le problème final est de savoir où est la cause, où est l’effet. Est-ce parce que la civilisation et la population sont au maximum qu’il y a, avec plus de culture et de débouchés, plus de talens visibles ; ou est-ce parce qu’il y a plus de talens que la civilisation est plus grande ? Est-ce parce que les blonds dominent qu’il y a plus d’industrie, de commerce, de science, etc., ou