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Page:Revue des Deux Mondes - 1895 - tome 128.djvu/399

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IV

A notre avis, quand on étudie l’action des races et même des groupes sociaux à travers l’histoire, on reconnaît que cette action a traversé trois périodes, et c’est là une des grandes lois psychologiques qui, selon nous, régissent l’histoire même.

Plus les races ou les sociétés sont primitives, plus elles ont une action déterminante sur les individus qui les composent ; plus, par conséquent, il y a de ressemblances entre ces individus. Hippocrate nous dit que les Scythes ont un type de race, non des types personnels. De même, les Romains trouvaient les plus grandes ressemblances entre les Germains de leur temps. On a souvent cité la parole d’Ulloa : « Qui a vu un indigène d’Amérique les a tous vus. » Humboldt la confirme d’après sa propre expérience. Sans doute, depuis qu’on observe les sauvages de plus près, on aperçoit de mieux en mieux leurs différences individuelles. Même chez les animaux, les chiens par exemple, il y a une grande diversité de caractères : les uns sont ardens, les autres indolens, les uns étourdis, les autres prudens, les uns affectueux, les autres égoïstes ; à plus forte raison quand il s’agit d’hommes. Il n’en est pas moins vrai qu’il existe entre les membres d’une même tribu sauvage une uniformité relative, qui en fait des exemplaires semblables d’un même modèle.

Les différences du volume des crânes existant entre individus de même race croissent avec la civilisation. Il y a des peuplades où ces différences crâniennes sont nulles, tandis que, chez les Parisiens modernes, elles vont jusqu’à 600 centimètres cubes, chez les Allemands jusqu’à 700. Selon Waitz, la ressemblance physique des individus, dans les races peu avancées, a pour parallèle leur ressemblance morale, leur absence d’individualité psychique. L’homogénéité des caractères, dit-il, au sein d’une peuplade nègre, est incontestable. Tous les individus ont les mêmes qualités générales et les mêmes défauts. Dans l’Egypte supérieure, le marchand d’esclaves ne se renseigne pas sur le caractère individuel de l’esclave qu’il veut acheter ; il demande seulement quel est son lieu d’origine. Une longue expérience lui a appris que les différences entre individus de la même tribu sont insignifiantes à côté de celles qui dérivent de la race. L’esclave est-il de la tribu des Nubas ou des Gallas, il sera fidèle ; est-il un Abyssinien du Nord, il sera traître et infidèle ; est-il de Fertit, il sera sauvage et prompt à la vengeance ; la majorité des autres tribus donnera de bons esclaves domestiques, mais peu utilisables pour le travail