renseignemens. Elle a un reste de jeunesse, et des traits fiers, et deux yeux ardens, qui brillent sous le capulet noir, cette mantille des très pauvres. Je lui dis que j’admire la sainte d’Avila.
— N’est-ce pas ? fait-elle.
Un instant elle se tait, (tour voir si je comprends ces choses, et elle ajoute :
— Nos aïeules, avant sa mort, l’avaient priée de nous obtenir deux faveurs : la persévérance dans la foi, et la beauté…
— Eh bien, madame ?
— Nous avons été exaucées, dit-elle en se détournant… Maintenant, je vais reprendre la route du Sud. Des visions nouvelles vont se dresser devant moi. Par-delà Madrid, où nous serons ce soir, j’aperçois déjà, par le désir, Lisbonne, et Séville, et Cadix. Je confie cette pensée à mon compagnon de voyage, qui sourit :
— Attendez-vous, me dit-il, à ce que la nature endorme peu à peu les hommes. Vous ne trouverez plus Bilbao. J’avais un grand-oncle, Espagnol, qui prétendait qu’on pouvait reconnaître les différentes régions de l’Espagne à l’attitude des chiens. Dans le Nord, le chien près duquel on passe se lève, court et aboie ; le chien de la Castille se lève, aboie, mais ne court pas ; le chien de Tolède remue encore la tête, mais ne se lève pas ; le chien de l’extrême Sud ouvre un œil, un seul, le referme, et se rendort.
Madrid, jusqu’au 8 octobre.
J’ai rencontré assez d’hommes en Espagne pour juger que l’accueil espagnol est bien différent de l’accueil italien. L’Italien est prévenant, l’Espagnol est d’une politesse exacte, qui répond à la vôtre, et ne fait pas d’avances. Si vous êtes présenté à un Italien, vous serez immédiatement charmé, par sa grâce enveloppante. Il vous étudiera en vous donnant déjà des noms d’amitié, et, dès que sa perspicacité, merveilleusement exercée, lui aura révélé en vous un homme utilisable, soit pour une affaire d’intérêt, soit pour la gloire du pays, il n’est pas d’idées ingénieuses qu’il ne cherche et ne trouve, pour vous plaire et vous amener à servir son dessein. Habileté noble, d’ailleurs, en bien des cas ! Je ne puis me rappeler sans une pointe d’émotion ce vieux sénateur de l’ancienne Vénétie, qui, malgré l’âge et la chaleur, et mille occupations dont il était chargé, se fit, pendant deux jours entiers, mon cicérone, et me dit, le soir où nous nous séparâmes : « N’aurez-vous pas bon souvenir de ma petite patrie ? » Cette