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l’ordre alphabétique de leurs titres et subdivisés en 393 articles. Le tarif dénomme aussi peu d’objets que possible, et procède par catégories. Ses dispositions sont assez générales pour atteindre non seulement les produits existans, mais ceux qui viendraient à être créés ; chaque classe embrasse la série de transformations que peuvent subir les matières ou les catégories de matières qui y sont inscrites. Le tarif tient surtout compte de la destination de l’objet importé et de la quantité de travail qui y est incorporée. Il protège les industries de luxe nationales mieux que le tarif français, lequel, envisageant avant tout la matière dont les objets sont formés, permet l’entrée à bon marché des produits de l’industrie de faux luxe. A s’en tenir aux apparences, on pourrait croire le tarif français plus protecteur ; mais si on considère les droits qui reçoivent la plus fréquente application, on reconnaît que c’est l’échelle allemande qui est la plus élevée. Et cependant nos voisins ont su se faire une réputation relativement libérale, grâce à l’habileté avec laquelle leur tarif est construit.

Ils ont cherché avant tout à frapper les objets de grande consommation : ils mettront, par exemple, un droit d’entrée de seize francs par cent kilogrammes sur le sel marin, qui n’acquitte en France que cinq fois moins, soit trois francs trente : mais nous imposons le sel de quinine, dont les quantités sont peu de chose par rapport aux échanges du sel ordinaire, à quinze cents francs le quintal. Ces droits exorbitans ont donné mauvaise renommée au tarif français, dans lequel cependant plus de la moitié des articles est moins taxée que les articles similaires en Allemagne.

Mais la grande différence entre les deux pays consiste en ce que nous nous sommes imposé nous-mêmes à l’avance une limite infranchissable au-dessous de laquelle ne pourront jamais descendre nos concessions aux pays avec qui nous traiterons : celle de notre tarif général minimum. L’Allemagne au contraire a gardé sa pleine liberté d’action et en a profité pour conclure une série de traités de commerce, dans la rédaction desquels elle n’a été gênée par aucune loi préexistante. Quand un pays comme la Suisse refuse d’accepter notre tarif minimum, la rupture devient inévitable : elle est en effet survenue. On sait quel dommage elle cause à notre ; commerce et à notre industrie des transports. Les Allemands ont conclu une série de traités, dans la négociation desquels ils avaient tout d’abord cet avantage que l’autre partie ; ignorait la limite des concessions auxquelles ils consentiraient. Un négociateur français, par le l’ait, même qu’il ne peut aller au-delà du tarif minimum, mais qu’il est autorisé par la loi à l’accorder, n’a plus grand mérite à le faire ; sa diplomatie est réduite à se