reparaissaient ailleurs. Le mal résistait aux opérations chirurgicales : on n’en viendrait à bout que par des mesures méthodiques d’hygiène. Tout d’abord par l’abaissement du prix de l’opium, qui porterait le coup le plus sensible à la contrebande. Ce fut en partie le motif du retrait de la ferme au concessionnaire ; pour décourager les porteurs d’opium chinois, on établit dans la région frontière des zones de tarifs décroissais, pareilles à celles que notre régie a ménagées dans les départemens où le tabac belge l’inquiète. Il fallait ensuite donner aux villages les moyens de se défendre contre les razzias de buffles et de femmes : M. de Lanessan organisa la milice rurale des linh-co et n’hésita pas à lui confier des fusils à tir rapide. On a vivement critiqué cette audace : il est certain que ces armes pourraient un jour se retourner contre nous ; en attendant, les pirates n’osent plus s’attaquer à des villageois munis de fusils Lebel. Persuadé que la sécurité d’un pays grandit en raison directe de sa viabilité, le gouverneur se hâta de percer des routes ; dans le seul hiver de 1891-1892, les corvéables annamites ébauchèrent 350 kilomètres de chaussées, non encore empierrées, à la vérité. Ces mesures furent complétées par la construction de blockhaus dans les passes dangereuses et principalement sur les points de transit de la frontière. Une délimitation rigoureuse de cette frontière n’était pas moins nécessaire pour restreindre la contrebande ; on y procéda, on en prit occasion de nouer des rapports amicaux avec les autorités chinoises du Kwang Si. — M. Famin rend bon témoignage au maréchal Su, commandant militaire de la province ; ce mandarin s’est toujours montré notre allié scrupuleux pour la répression des pirates que nous possédons en commun.
Restait à régler la situation délicate de quelques grands chefs, officiellement soumis, mais dont le cœur n’est pas sûr ; en particulier du Dé-Than, solidement établi dans le massif montagneux du Yen-Thé, et de Luong-Tam-Ky. Ce dernier a fondé avec ses anciens acolytes, aux environs de Thaï-Nguyen, une sorte de colonie agricole de pirates. Le gouverneur reprit à leur égard les traditions accommodantes de la cour de Hué : il les traita sur le pied de barons féodaux qui feraient leur paix avec le suzerain, contre la reconnaissance d’un fief où ils resteraient à peu près maîtres de leurs actions. Par l’effet de ces mesures combinées, la piraterie a été réduite à des crimes de droit commun et à quelques flibusteries sans conséquence, nous dit M. de Lanossan. Les arrivans du Tonkin, les fervens de la colonisation, abondent volontiers dans ce sens ; quand on leur parle