successifs ; plus de feux lents, de tirs à cartouches comptées, de salves adroitement distribuées sur le terrain, comme des coups d’arrosoir !
Une ligne de tirailleurs qui fusillent l’adversaire, de petites colonnes qui le frappent, voilà le dernier mot de la tactique moderne.
Ces procédés sont rudimentaires. Ils scandaliseront peut-être par leur simplicité et surtout leur sans-gêne vis-à-vis des récens perfectionnemens des armes modernes. Il est vrai que leur application n’exige pas de connaissances scientifiques étendues. Voilà qui ne plaira guère à ceux qui veulent transformer le combat en un calcul de probabilités, et le soldat en un savant capable d’en résoudre l’équation. Elle conviendra mieux à ceux qui considèrent que le courage et l’abnégation personnelle sont encore, comme ils étaient autrefois, comme ils seront toujours, les véritables facteurs de la victoire.
Mais qui ne serait frappé de l’analogie de ce procédé avec celui de la tactique française à la fin de la Révolution ?
N’est-ce pas un véritable retour à la tactique de la première période napoléonienne ? Ainsi il se trouve que nous avons tourné dans un cercle et que nous en revenons à notre point de départ[1].
Faut-il s’en étonner ? Après la découverte de la poudre, l’esprit d’offensive s’altéra profondément, et avec lui la véritable forme de l’attaque : la colonne disparut des champs de bataille. Il fallut près de trois siècles pour la retrouver. Un phénomène analogue, quoique réduit, s’est produit après l’invention des armes à tir rapide. L’extrême développement de la puissance du feu fit un moment chanceler l’offensive ; on la crut condamnée. Elle reparaît maintenant sous sa vraie forme, qui est celle du choc direct, et réduit le feu à son véritable rôle, qui est celui de la préparation du choc ; elle en revient pour cela purement et simplement aux deux formations qui personnifient ces deux actions : les tirailleurs et la colonne.
- ↑ C’est aussi l’opinion du général Dragomirof : « La tactique napoléonienne, dit-il, repose sur des bases inaltérables, sur des principes qui ne seront jamais atteints par les transformations de l’armement. C’est là seulement que se trouve une heureuse harmonie entre l’action à rangs serrés et l’ordre dispersé, entre les colonnes et les tirailleurs, entre le feu et la baïonnette. »