Page:Revue des Deux Mondes - 1895 - tome 128.djvu/849

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Ces principes, auxquels on dut le prompt et brillant succès d’une entreprise que l’ancien régime n’avait pas su mener à bonne fin, d’où viennent-ils et quand a-t-on pour la première fois essayé de les appliquer ? Le mérite de les avoir découverts et d’avoir pris l’initiative de s’en inspirer, l’attribuerons-nous à Fourcroy, le premier rédacteur du plan qui aboutit à la création de l’Université, ou à Fontanes, le premier grand-maître ? On n’a vraiment aucune raison de leur faire cet honneur. L’Université était surtout pour l’empereur un instrument de règne, et, à ce moment, tout l’effort des laborieux et dociles interprètes de sa pensée se portait sur l’organisation des lycées et collèges, par laquelle ils espéraient agir sur l’âme même de la nation et la façonner, en s’y prenant de bonne heure, au respect et à l’obéissance. Personne alors, parmi les serviteurs les plus haut placés de l’Empire, ne paraissait avoir aucun souci ni même aucun soupçon de ce que devait être, dans un pays comme la France, l’enseignement supérieur.

S’il en est ainsi, il convient de chercher si, entre 1770 et 1810, il ne s’est rien passé qui permette de comprendre comment les résultats des deux expériences ont été si dissemblables, alors que les conditions où elles avaient été engagées semblent présenter une sensible analogie. Cette explication, nous croyons la trouver dans une des créations de la période révolutionnaire, dans l’École normale de 1794, œuvre improvisée dont il est facile de signaler les défauts, mais qui n’en porte pas moins la marque de l’heure glorieuse où la France, par une tension prodigieuse de toute son énergie, avait réussi à faire face sur toutes ses frontières et à délivrer son sol de l’invasion. Cette Ecole n’a eu qu’une vie très courte, une vie de quatre mois, qui a été troublée par bien des épreuves, et lorsque celle-ci s’achevait brusquement, au milieu de l’indifférence générale, plus d’un témoin digne d’attention n’a pas craint de proclamer que c’était une affaire manquée. Quoiqu’il y ait, dans ces jugemens sévères, une part de vérité, l’Ecole a assez fortement agi sur les esprits pour laisser des exemples qui n’ont pas été perdus.

Ce que l’Ecole de la Convention a montré pour la première fois à la France, c’est les sciences mises, dans l’enseignement, sur le même pied que les lettres ; c’est les sciences revendiquant, par la voix de leurs représentans les plus autorisés, le droit de concourir, pour leur part, à instruire les jeunes générations. Géomètres, physiciens, chimistes et naturalistes avaient tous vécu jusqu’alors dans l’ombre de leurs cabinets, de leurs laboratoires et de leurs collections. Ils n’appartenaient pas aux corporations