Notre élan ne s’est pas arrêté aux frontières, même élargies, de l’antiquité classique ; nous sommes partis pour la conquête de l’Orient. C’est un normalien, M. Maspero, qui a succédé à Rougé dans la chaire de Champollion ; c’en est un autre, M. Chavannes, qui, après avoir passé quatre années en Chine, s’annonce aujourd’hui comme l’héritier d’Abel Rémusat et de Stanislas Julien. Dans une des sections de l’Ecole des Hautes-Etudes, M. Foucher, élève de MM. Bergaigne et Sylvain Lévi, étudie l’histoire des religions de l’Inde.
Le directeur actuel de l’Ecole peut se rendre le témoignage de n’avoir pas découragé les curiosités et les ambitions qui ont provoqué ces pointes hardies poussées en tous sens, hors du domaine qui paraissait nous appartenir en propre. Quand il est entré en fonctions, seuls les élèves de troisième année étaient autorisés à suivre des cours au dehors. Cette permission a été étendue, sous certaines réserves, aux élèves de seconde année, et, plus récemment, aux élèves mêmes de première année, à ceux du moins qui sont déjà pourvus du diplôme de licencié. C’est pour développer cette liberté du travail que nous avons demandé, il y a trois ans, que ce diplôme soit exigé de tous les candidats qui se présentent à l’Ecole ; nos élèves y gagneraient d’avoir deux années, au lieu d’une, affranchies des inquiétudes et du servage de l’examen. Nous n’avons pu obtenir encore gain de cause ; on nous a opposé des raisons tirées les unes des nécessités de l’enseignement secondaire et les autres des intérêts de l’enseignement supérieur. Nous ne croyons pas que ces objections, qui se contredisent, soient fondées ; mais nous espérons du nouveau régime de la licence, qui doit entrer en vigueur l’an prochain, certains allégemens qui nous permettent d’attendre avec plus de patience une réforme que je m’honore d’avoir réclamée.
Plus éclairée, l’opinion nous donnera satisfaction sur ce point, et, à la diligence de mes successeurs, d’autres progrès s’accompliront. L’Ecole a deux mérites qu’on ne lui contestera point : elle n’est ni exclusive, ni routinière. Elle est heureuse d’ouvrir ses chaires à ceux qu’elle a formés de ses mains et qu’elle a distingués de bonne heure. Ce m’a été une joie sensible, depuis douze ans, d’avoir pu y appeler plusieurs de ceux que j’y avais eus pour élèves, jadis, comme maître de conférences, ou, plus récemment, comme directeur. Nous ne nous condamnons pourtant pas à ne nous recruter que dans nos propres rangs, et, par intérêt bien entendu autant que par esprit de justice, nous savons aller chercher ailleurs et attirer à nous les talens et les compétences dont nous avons besoin. C’est ainsi que nous avons pris à l’École