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Page:Revue des Deux Mondes - 1895 - tome 129.djvu/161

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l’avons vu, par la « théorie de la descendance » ! Nous arracher à la matière, où nous n’avons que trop de tendance à retomber de notre propre poids ; — mettre l’objet de la vie hors d’elle-même, et non pas sans doute en faire une « méditation de la mort, » mais, dans la considération de la mort et de la souffrance, chercher, trouver, maintenir la base inébranlable, le fondement métaphysique, et réel cependant, de l’égalité parmi les hommes ; — restaurer dans le monde contemporain, (tel que nous l’ont fait l’individualisme révolutionnaire, la science mal comprise, et l’industrialisme à outrance) cette solidarité dont nos hommes politiques, après l’avoir étrangement méconnue quand ils étaient en place, font, aujourd’hui qu’ils n’y sont plus, l’étonnante découverte… si c’était tout à l’heure une ébauche de morale, ce sont maintenant les linéamens encore vagues, mais déjà visibles pourtant, d’une loi de l’histoire, qui commencent à se dégager de la doctrine évolutive. Sic nos, non nobis… nous ne sommes pas nés pour nous, ni précisément pour les autres, mais pour concourir tous ensemble, dans le présent comme dans l’avenir, à une œuvre commune, qui est de nous émanciper des servitudes de notre nature. Cela seul compte ; cela seul vaut que l’on s’y dévoue ; cela seul nous permet de réaliser en nous, à un moment donné de l’histoire, ou d’approcher de loin la perfection de notre type ; et cela, je crois pouvoir le dire maintenant, cela seul, — puisqu’on veut de la « science », — est conforme aux données de la doctrine évolutive. Il me reste à faire voir ce que l’on peut attendre ou espérer de la doctrine pour la restauration d’une métaphysique dont on s’est trop hâté de dire qu’elle aurait prononcé la sentence.


III

En effet, ce qu’elle réintègre dans la science, et ce qu’elle y substitue à l’idée d’un « mécanisme » aveugle, c’est l’idée ou plutôt le sourd pressentiment d’un certain ordre, d’un ordre en quelque sorte mobile et intelligent, qui dirigerait, selon de certaines lois, le gouvernement de l’univers. C’est ce que reconnaissait l’homme qui sans doute, avant Darwin, a le plus fait pour la « théorie de la descendance, » et on doit dire, l’homme dont les doctrines ont reconquis depuis quelques années tout ce que le darwinisme pur a perdu de terrain. « L’échelle des êtres, — a écrit Lamarck, dans sa Philosophie zoologique, — l’échelle des êtres représente l’ordre qui appartient à la nature et qui résulte, ainsi que les objets que cet ordre fait exister, des moyens qu’elle