loppés, agrandis, creusés, perfectionnés ; l’insuffisance du Havre est de jour en jour devenue plus manifeste, et cependant la question vient seulement d’être résolue.
Aux dernières heures de l’année 1894, le Sénat, après de longues discussions, a fini par voter le projet de loi qui lui avait été transmis le 31 janvier 1889 par la Chambre des députés. Mais le vote de la haute Assemblée n’a été obtenu qu’au prix de remaniemens et de suppressions qui transforment le projet primitif de telle façon qu’une nouvelle comparution au Palais-Bourbon a été nécessaire. Il était permis de craindre que la solution se fit attendre encore, en ces temps de ministres éphémères, de budgets en retard, et d’interpellations socialistes. Si l’ingénieur du Havre a quelque chose du tempérament du sire du Chaillou, il a dû, plus d’une fois, mourir d’impatience. Mais la Chambre a voulu mériter une bonne note. Elle a, dans les derniers jours de février, sanctionné en quelques minutes le projet qui avait coûté tant d’efforts et de temps au Sénat.
Ce serait manquer de respect envers les sénateurs que d’imputer à leur indifférence ces retards prolongés. Bien au contraire, ils ont mis un zèle extrême à discuter tout ce qui leur était successivement apporté. Mais la question aujourd’hui n’est plus aussi simple qu’au temps de François Ier. Il n’y a plus seulement le Havre ; il y a encore Rouen, dont il faut tenir compte. De la solidarité de ces deux préoccupations, naît une complexité qui faisait dire à un sénateur, et l’un, certes, des plus marquans, qu’après avoir lu la plupart des mémoires et des rapports qui ont été faits sur les travaux projetés, force lui était d’avouer que son esprit — et il n’en manque pas — était resté dans la plus complète incertitude. Cependant, le projet a, en définitive, été voté au Luxembourg par 222 voix contre 2 ; il est donc à penser que les collègues de l’honorable M. Buffet n’ont pas éprouvé les mêmes anxiétés que lui. Après s’être rendu compte des améliorations proposées, ils se sont sentis en état d’en apprécier l’urgente nécessité.
Souhaiter que cet heureux état d’esprit devienne celui du lecteur qui se hasardera à parcourir les lignes qui vont suivre est le seul vœu de celui qui les écrit.
I
Entre le cap d’Antifer et la pointe de Barfleur, le littoral abandonne brusquement la direction générale des côtes françaises de la Manche. Il se creuse en une vaste échancrure de 148 kilomètres de long, de 45 de profondeur, qui constitue ce qu’on appelle la