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Page:Revue des Deux Mondes - 1895 - tome 129.djvu/204

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deau de 100 000 kilos, tous ces appareils offrent leur concours pour débarquer ou embarquer les cargaisons. 37 kilomètres de voie ferrée, raccordés au réseau de la Compagnie de l’Ouest, en facilitent l’approche ou l’enlèvement, à moins que, sans destination immédiate ou mises en entrepôt, ces marchandises n’aillent s’abriter sous les 19 hangars de la Chambre de commerce on s’enfermer dans les 39 grands magasins de la Compagnie des Docks. Six formes de radoub, dont la plus grande a 150 mètres de long et 20 mètres de large, un dock flottant, quelque peu démodé, il est vrai, des grils, des pontons de carénage offrent aux navires, grands et pelits, le moyen de faire visiter, nettoyer, repeindre, réparer leur carène. Mis en communication directe avec la Seine par le canal de Tancarville, le Havre est, par surcroît, devenu un port de navigation intérieure, accessible à la batellerie fluviale, qui ne pouvait auparavant se risquer à faire la traversée toujours difficile, souvent dangereuse de l’estuaire. Ces améliorations successives n’ont pas été sans grandes dépenses. Le Havre coûte jusqu’ici à la génération actuelle plus de 125 millions de francs, dont le quart, à peu près, a été fourni par la municipalité et la Chambre de commerce, et le reste par l’État.

Le sacrifice ne paraît pas avoir été au delà des résultats obtenus. La population de la ville a décuplé. On y a vu de tous côtés affluer l’intelligence et les capitaux. Aux jours douloureux où la patrie française fut démembrée, des patriotes alsaciens, fidèles à la destinée de la France, apportèrent au Havre l’utile et fécond encouragement de leur esprit d’initiative, le fortifiant exemple de leurs vertus commerciales. Des industries de toute nature se sont créées et développées dans la région : le commerce y a pris une grande intensité. Sans compter les petits bateaux à vapeur, si connus des touristes, qui vont à Honlleur, à Trouville, à Caen, à Cherbourg et ailleurs, non plus que les pécheurs petits et grands, le Havre a vu, en 1891, entrer dans son port 6435 navires apportant près de 2 milliards de kilogrammes de marchandises ; celles qu’ils ont ensuite emportées pesaient plus d’un milliard de kilogrammes et, grâce à l’élaboration industrielle, représentaient une valeur quintuple, au moins, de celle des produits importés.

De son côté, Rouen, rappelée à la vie commerciale par les premiers endiguemens de la Seine maritime, ne s’est pas endormie dans la jouissance de sa renaissante fortune. Elle s’est souvenue qu’elle était, comme le disait il y a quelque temps un ingénieur roumain, son hôte d’un jour, l’anneau de mariage de la navigation maritime avec la batellerie fluviale. Elle a voulu devenir un grand port de transit. Le gouvernement l’a voulu avec elle : 23 millions de