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Page:Revue des Deux Mondes - 1895 - tome 129.djvu/225

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et séditieuse la proposition de Rome, que le roi Henri, à présent régnant, n’est en l’Église jusques à ce qu’il ait l’approbation du pape. — « Auquel propos je viens tout maintenant de me rafraîchir la mémoire d’une Décrétale du pape Innocent III, en laquelle il dit que le jugement de Dieu est toujours fondé sur la vérité, laquelle ne trompe, ni n’est trompée ; mais le jugement de l’Église suit quelquefois l’opinion, laquelle trompe souvent, et est trompée... Aussi viens-je de lire un canon, pris de saint Jérôme, qui dit que quelquefois celui qui est envoie dehors par ceux qui commandent en l’Eglise est dedans, et celui est dehors, qui semble être retenu dedans. » — Voilà de terribles Décrétales, et qui auraient pu, tout aussi bien, donner des armes à Martin Luther.

Le cas principal heureusement réglé, restait à conclure de laborieux accords pour remettre l’ordre dans l’Eglise de France, bouleversée après de si longs troubles : cinquante évêchés vacans, nombre d’abbayes et de prébendes non pourvues, ou très mal pourvues, aux mains des gens de guerre. Il fallait passer l’éponge sur beaucoup d’irrégularités, obtenir l’agrément pontifical pour des serviteurs du roi qui avaient senti le fagot, pour des sujets ecclésiastiques fort discutables, comme cet archevêque de Bourges, Regnaud de Beaune, qui faisait par jour sept repas d’au moins une heure chacun. À ce moment, d’Ossat nous fait songer à l’abbé Bernier, négociant en des circonstances analogues avec Consalvi, et amené par la similitude des temps à solliciter mêmes concessions, mêmes indulgences, pour une même restauration. La tâche du représentant d’Henri IV apparaît plus ardue, parce que de nouveaux griefs politiques venaient sans cesse à la traverse des accords près d’aboutir. C’était l’expulsion des Jésuites, après la tentative d’assassinat de Jean Châtel : on avait pendu en Grève deux de ces Pères, on chassait les autres du ressort de Paris. D’Ossat obtint leur rappel en 1603, « pour donner contentement au pape », écrivait-il à Villeroy ; « je vous ai protesté que je ne fus jamais énamouré d’eux. » — C’était l’édit de Nantes, médecine amère à faire passer dans Rome. Clément VIII se cabrait à chacun des actes de tolérance d’Henri IV; à ce coup il éclata. — « Sire, le sujet de cette lettre sera fâcheux, et à nous, à écrire, et à Votre Majesté, à entendre... Sa Sainteté nous dit hier matin qu’il étoit le plus navré et désolé homme du monde, pour l’Edit que Votre Majesté avoit fait en faveur des hérétiques ; qu’il ne savoit plus qu’espérer ni que juger de vous; que ces choses lui mettoient le cerveau à parti; que cet Edit, que vous lui avez fait en son nez, étoit une grande plaie à sa réputation et renommée, et lui sembloit qu’il avoit reçu une balafre en son visage;