capital; et, pour satisfaire sa faim toujours dévorante, le fisc a des complaisans qui s’ingénient à lui fournir de nouveaux alimens, multipliant à son profit le papier timbré et les formalités coûteuses. Nous en avons eu un exemple récent avec l’administration des postes et télégraphes, lorsque, pour forcer ses recettes, elle a essayé d’imposer au public l’usage d’adresses inutilement détaillées, allant, en certaines villes, jusqu’à refuser de distribuer les télégrammes expédiés aux personnes les plus connues[1].
Que si, par intérêt électoral ou par réclame politique, l’État, en s’emparant de quelque entreprise privée, renonce temporairement à un impôt et abaisse les tarifs, c’est presque toujours en se dédommageant, d’ailleurs, sur les contribuables, car l’État n’est jamais généreux qu’aux dépens du public.
Mais c’est trop insister sur une vérité assez claire d’elle-même. Venons-en aux ouvriers, au personnel des compagnies. Laissons les considérations économiques ou politiques pour le point de vue social. Aussi bien, est-ce, quant à nous, celui vers lequel nous courons partout de préférence.
Voyons quelle est la situation faite à la main-d’œuvre humaine par les sociétés anonymes.
Est-il donc vrai que les compagnies soient particulièrement oppressives pour les travailleurs; qu’elles écrasent l’ouvrier; qu’elles le broient dans leurs engrenages d’acier; qu’à tout le moins elles fassent de lui un esclave attaché à sa machine, comme l’esclave antique à sa meule, et que pour affranchir le travail il n’y ait d’autre moyen que de supprimer les compagnies ?
Oui, il fut peut-être un temps, vers la première moitié du siècle, où les sociétés par actions, encore nouvelles et comme novices, se préoccupaient peu du sort de leurs ouvriers. Beaucoup semblaient ignorer ce qu’on a, depuis, si bien nommé « le devoir social. » Encore, cette sorte d’inconscience n’était elle nullement particulière aux compagnies anonymes, aux sociétés par actions : la faute en incombait au régime nouveau du travail, à l’introduction des machines, à la rapidité des transformations mécaniques qui, par leur importance et par leurs exigences, reléguaient la main-d’œuvre au second plan. Capitalistes, entrepreneurs, industriels,
- ↑ La prétention de certains directeurs, dans le département du Nord en particulier, était, on se le rappelle, d’intercepter tout télégramme qui, à la suite du nom du destinataire, ne portait pas le nom de la rue et le numéro de la maison qu’il habitait, son domicile fût-il connu de tous.