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Page:Revue des Deux Mondes - 1895 - tome 129.djvu/421

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tient qu’un étage de son building dans Adams street, à Chicago : le « Saint Paul » fait de même.

Le président dirige effectivement l’ensemble de l’affaire: c’est le général en chef. Il est universel ; toutes les questions importantes de chaque service arrivent à lui, il se fait tour à tour ingénieur, économiste, financier, avocat devant les cours judiciaires, diplomate dans ses rapports avec les législatures ; il est toujours sur la brèche. Souvent un président a passé successivement par tous les degrés de son administration active ou sédentaire ; tel a commencé par être mécanicien au service de la Compagnie qu’il dirige maintenant. Tous sont des hommes de haute valeur qui caractérisent bien le type supérieur du business man américain, formé par la pratique et conduit par elle aux idées générales. On les admire, on les aime aux États-Unis, parce qu’ils ont réussi, parce qu’ils donnent l’exemple, parce qu’ils représentent l’aristocratie ouverte du mérite personnel ; on est fier d’eux. « Ces rois de chemins de fer, — nous laissons ici la parole à une voix plus autorisée, — comptent parmi les plus grands hommes, je dirai même sont les plus grands hommes de l’Amérique. Ils ont la fortune, sans quoi ils ne pourraient tenir leur situation. Ils ont la réputation : tout le monde sait ce qu’ils ont fait, tous les journaux parlent de ce qu’ils font. Ils ont la puissance, plus de puissance — c’est-à-dire plus d’occasions de faire prévaloir leur volonté — que personne dans la vie politique, excepté le Président des États-Unis et le Président de la Chambre basse... Quand le maître d’un des grands réseaux de l’Ouest s’en va dans son train-palais vers le Pacifique, son trajet est un voyage royal. Les gouverneurs des États et des Territoires s’inclinent devant lui ; les législatures le reçoivent en séances solennelles, des cités entières recherchent ses faveurs, car n’a-t-il pas le pouvoir de faire ou de défaire la fortune d’une ville »[1]?

Le régime autocratique qui préside à la gestion des compagnies a son danger : il ouvre la porte aux imprudences et à la spéculation. En fait, grâce à l’insouciance des actionnaires et surtout grâce à leur impuissance, l’administration d’une compagnie américaine est le plus souvent irresponsable, et, même dans les occasions graves, il est assez rare de voir les intéressés attaquer les membres d’une administration pour les faire tomber à la première assemblée générale, comme cela s’est fait l’année dernière au Northern Pacific et au Reading. Les présidens de chemins de fer sont naturellement ambitieux ; élargir leur réseau, ruiner un rival, acheter des lignes nouvelles, c’est pour eux se grandir eux-mêmes,

  1. J. Bryce, The americain Comrnonwealth.