Car, parmi les nombreux écrivains de tout genre qui ont répondu à M. Balfour, dans les revues anglaises, personne, ou à peu près ne s’est même avisé que peut-être M. Balfour avait sérieusement réfléchi aux questions qu’il traitait, ni que ces questions étaient sérieuses, et méritaient qu’on y réfléchît. Chacun a seulement vu dans son livre le point particulier qui le touchait personnellement, et ne lui a répondu que sur ce seul point. Les uns ont relevé telle phrase, les autres telle autre : et plusieurs se sont contentés de répondre un peu au hasard, sur la simple présomption qu’on les avait attaqués. Ainsi la plupart de ces soi-disant réponses sont plutôt quelque chose comme des protestations. Les savans ont protesté au nom de la science, les théologiens au nom de la théologie, les métaphysiciens au nom de la métaphysique. Mais je ne vois presque personne qui ait essayé de comprendre, et de prêter d’abord à l’auteur l’attention qu’il sollicitait.
Voici, par exemple, M. Robertson, directeur de la Free Review. M. Robertson fait profession d’athéisme en philosophie, de radicalisme en politique : le livre de M. Balfour ne pouvait donc lui plaire. « Le plan de M. Balfour, dit-il, est de maintenir en politique les lignes les plus négatives, et de rejeter comme chimérique tout espoir de progrès ; tandis qu’en religion il s’ingénie à découvrir des prétextes pour conserver les croyances les plus chimériques et pour repousser toute critique négative. Ce qu’il appelle l’inspiration n’est chez lui qu’un instinct spontané d’opposition à tous les mouvemens de la pensée qui menacent les privilèges de sa caste ; mais quiconque a considéré le développement de sa vie devine aussitôt que sa tactique religieuse est aussi calculée que sa tactique parlementaire. Il serait intéressant de demander une bonne fois à M. Balfour si lui-même croit sincèrement à la religion qu’il nous vante. »
Voici M. Huxley, le père de l’agnosticisme. Il a vu que M. Balfour confondait les agnostiques avec les positivistes et les empiristes, sous la désignation collective de naturalistes. Et il proteste contre cette confusion; après quoi il cherche querelle à M. Balfour sur d’autres termes mal employés ; après quoi il lui reproche de ne rien entendre aux sciences naturelles. Le tout entremêlé de considérations personnelles et de plaisanteries dont la plus drôle consiste à dire que « le prisonnier du Vatican réalise l’idéal du parfait prisonnier, tel que peut le concevoir la philanthropie moderne, car il vit entouré du confort et du luxe les plus raffinés. »
Voici M. W. Wallace, professeur de philosophie à l’Université d’Oxford. Celui-là ne pardonne pas à M. Balfour d’avoir empiété sur son domaine, et, n’étant point métaphysicien, d’avoir osé parler de métaphysique. Et il faut voir sur quel ton supérieur il le lui reproche. « M. Balfour, dit-il, habite apparemment un milieu psychologique qui