Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1895 - tome 129.djvu/479

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

un très grand nombre d’entre elles. Que ce soit une amélioration, aucun homme de bonne foi ne saurait le nier. On pouvait désirer mieux, on peut le demander encore, et toujours ; mais c’est un mauvais système de nier le bien accompli et d’y répondre pas l’insurrection. Qu’a dit le Saint-Père dans les fameuses encycliques qui ont produit en France une si profonde impression ? Il a demandé aux catholiques d’accepter loyalement, définitivement, sans arrière-pensée, les institutions politiques de leur pays, afin d’avoir plus de force pour demander et pour obtenir la réforme de la législation. Cette politique a-t-elle été vaine? On vient de voir que non, puisque, par un retour de justice, les pouvoirs publics ont spontanément adouci la loi dite d’accroissement. Les votes des Chambres à ce sujet, quelque imparfaits qu’ils soient, auraient été impossibles il y a trois ou quatre ans. Mais le Pape, certes, est trop sensé, il a trop l’expérience des hommes et des choses, il sait trop bien l’histoire pour avoir cru que la réforme de toute une législation pourrait se faire du jour au lendemain. Il est patient, parce qu’il sent bien que le temps travaille pour lui. Aussi a-t-il dû être très étonné de voir que, le lendemain même du jour où il venait d’obtenir un premier avantage, une émotion extraordinaire se produisait dans le clergé français, et que les évêques rappelaient tous les persécutions de l’Empire romain pour conseiller, les uns de s’y soumettre, les autres d’y résister. Les esprits, en peu de jours, étaient montés à un tel degré d’excitation qu’il était impossible, ou du moins dangereux, d’intervenir au milieu d’une lutte aussi chaude, en y apportant une opinion modérée. Le Saint-Père n’a pas voulu se prononcer encore. Il n’avait pas, a-t-il dit, des informations assez complètes pour le faire, et il a laissé entendre que les évêques qui avaient parlé si vite ne les avaient peut-être pas plus que lui. Il a conseillé d’attendre, de temporiser, d’étudier sous tous ses aspects une question qui avait été tranchée à la hâte et ab irato, de se dégager des premières impressions, qui sont presque toujours trompeuses, enfin de n’adopter une attitude et de ne tenir un langage définitifs que lorsqu’on aurait établi un accord parfait entre toutes les congrégations intéressées. Cette lettre a été une déception pour ceux qui étaient déjà partis en guerre et qui espéraient y entraîner le Pape après eux. — Vous avez dix mois devant vous, leur dit doucement le Saint-Père, pour payer la taxe ; vous avez un an pour payer l’arriéré ; vous ne devez rien pour le moment ; votre campagne est prématurée. — Il est vrai que dans six mois, et même dans un an, la loi sera ce qu’elle est aujourd’hui; mais on saura alors quelles sont les congrégations dispensées de l’acquitter, et aussi quelles mesures le gouvernement aura prises pour aider à la liquidation de l’arriéré. Il est probable que les congrégations exemptées seront nombreuses ; il est certain que les facilités fiscales accordées pour l’acquittement des droits échus seront