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Page:Revue des Deux Mondes - 1895 - tome 129.djvu/483

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ses prétentions, si elle les avait déclarées justes et légitimes, on en aurait été touché et reconnaissant à Tokio. Mais, non : dans les derniers jours, l’Angleterre, bien qu’elle n’ait pas voulu confondre son action avec celle des autres puissances, a dit au Mikado qu’il ne devait pas compter sur elle et que le mieux pour lui était de céder. La différence est que la Russie, l’Allemagne et nous-mêmes avons donné au gouvernement japonais des motifs généraux et généreux, des raisons élevées pour l’amener à faire quelques sacrifices. Nous lui demandions de participer à une grande œuvre de civilisation. Nous nous appliquions à le relever à ses propres yeux, en nous adressant à son intelligence politique, qui s’est montrée aussi remarquable que l’avaient été son coup d’œil et son courage militaires. L’Angleterre lui a conseillé de s’incliner parce qu’il était le plus faible et qu’il serait écrasé, argument très fort à coup sûr, mais peu flatteur pour celui qui le reçoit. Puisque l’Angleterre devait finalement prêcher des concessions, que ne l’a-t-elle fait comme nous et avec nous? Un très grand événement ne se serait pas passé dans le monde en dehors d’elle. Les nations qui se réveillent en extrême-Orient, pour la première fois où elles la voient intervenir dans leurs affaires communes, n’auraient pas été amenées à incarner l’Europe uniquement dans la Russie, la France et l’Allemagne. La presse britannique ne comprend pas encore que nous ayons marché avec la Russie et surtout avec l’Allemagne : cela trouble les idées qu’elle s’était faites de ce que notre isolement avait d’irrémédiable. Et nous comprenons encore moins que l’Angleterre n’ait pas marché avec l’Europe. Mais l’étonnement, mêlé d’embarras, qu’on éprouve à Londres montre l’importance de l’événement qui vient de se produire et de la manifestation de puissance dont nous avons eu notre part. A coup sûr, le ministère de M. Ribot, après avoir, pendant quelques semaines, terminé heureusement plusieurs grèves, vu naître et décliner une agitation religieuse qu’il dépend de lui d’apaiser complètement, dénoué enfin, en prouvant l’efficacité de nos alliances, un conflit inquiétant en extrême-Orient, le ministère peut se présenter devant les Chambres avec la confiance d’avoir rempli son devoir. Et pourtant, qui sait où nous en serons après quelques semaines de session ?


L’abondance des matières ne nous permet pas de donner aujourd’hui beaucoup de place aux événemens du dehors, ce qui est regrettable : il en est plus d’un en effet qui mériterait une étude particulière.

Nous ne parlerons que pour mémoire de la dissolution de la Chambre des députés italienne : le fait vient de se produire, mais il était attendu et escompté depuis assez longtemps déjà. Les élections générales auront lieu à la fin de mai et au commencement de juin.

Nous dirons peu de chose des élections qui ont eu lieu en Grèce.