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DE LEOBEN A CAMPO-FORMIO

IV.[1]
LE TRAITÉ DE PAIX


I

Très laid, très gros, le regard louche, le front dégarni, les cheveux couverts d’une couche épaisse de poudre ; fort infatué de ses succès de beau causeur et de comédien de société ; obséquieux avec les princes, tranchant, en affaires, avec les ministres ; possédant ce vernis voltairien qui était le bon ton de l’homme éclairé, « l’honnête homme » de ce temps-là ; habile diplomate, diplomate à conversations et à dépêches plutôt qu’à idées et à ressources ; au fond petit homme d’Etat, le comte Louis Cobenzl avait alors 44 ans. Il imaginait qu’il aurait vite fait d’éblouir de son prestige et de mettre au pas le « petit Corse » dont toute l’Europe ne parlait tant que parce qu’il n’avait pas encore trouvé son maître.

Il arriva, le 26 septembre au soir, à Udine où logeaient les Autrichiens et il en informa aussitôt Bonaparte. Celui-ci estimant que le choix d’un négociateur de marque annonçait enfin l’intention de discuter sérieusement, crut bon de prendre les devans et de mettre la haute courtoisie de son côté. Le 27, à deux heures, entouré d’une escorte brillante, il se rendit à Udine[2]. Après

  1. Voyez la Revue du 15 mars, du 1er avril et du 15 mai.
  2. Rapport de Cobenzl, 28 septembre ; Bonaparte à Talleyrand, 28 septembre 1797. Les rapports de Cobenzl, conservés aux Archives de Vienne, ont été publiés, en très larges extraits, par M. Huiler. M. Huiler les a traduits en allemand. Je dois à son obligeance la communication du texte original, qui est en français.