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Page:Revue des Deux Mondes - 1895 - tome 129.djvu/724

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leur programme personnel. Il n’en est pas moins vrai que, du scrutin du 26 mai, se dégage un succès relatif pour le parti de la révolution, et il n’y a pas lieu d’en être étonné. Lorsqu’un scandale éclate dans un pays, surtout un scandale financier, et que des hommes politiques importans y sont plus ou moins impliqués, il est naturel que les socialistes en profitent et gagnent du terrain. Nous en avons su quelque chose : les Italiens le savent à leur tour.

Mais c’est à peu près à cet unique résultat que se bornent les élections du 26 mai. Si on en cherche un autre, on aura quelque peine à le distinguer. Tous les chefs de l’opposition, tous les hommes marquans dans le parti hostile au ministère, ont été réélus, depuis M. di Rudini jusqu’à M. Brin, depuis M. Cavallotti jusqu’à M. Zanardelli. Il est vrai que le groupe d’amis à la tête duquel était ce dernier dans la dernière Chambre a fort souffert, sans doute parce qu’il n’avait pas, au milieu d’une bataille aussi ardente, un programme assez net, et qu’il n’a pas déployé une activité assez grande ; mais aucun des autres groupes n’a particulièrement bénéficié des pertes faites par celui-ci, et les proportions entre eux restent sensiblement les mêmes. Et alors, au terme de cette lutte homérique, — elle l’a été du moins par l’ampleur des apostrophes que les héros se sont mutuellement jetées à la tête, — on se prend à se demander : A quoi bon ? A quoi a servi toute cette agitation ? Quelles en seront les conséquences ? Sommes-nous même sûrs, lorsque nous nous rappelons le passé, que M. Crispi en sera quelque peu raffermi ? C’est pour lui seul qu’a eu lieu cet immense branle-bas électoral : en profitera-t-il ? Il va se retrouver en présence des mêmes adversaires et, à peu de chose près, de la même Chambre qu’auparavant : lui demandera-t-il l’autorisation de poursuivre M. Giolitti, puisque la Cour de cassation a déclaré que cette autorisation était indispensable ? S’il le fait, il soulèvera lui-même la question qu’il a voulu étouffer. S’il ne le fait pas, d’autres relèveront le gant qu’il leur a jeté, et, à leur tour, porteront la guerre dans son propre camp. Le dossier Giolitti est resté en quelque sorte ouvert sur le bureau parlementaire : que deviendra-t-il, et la Chambre nouvelle consentira-t-elle plus docilement que l’ancienne à le refermer sans l’avoir lu ? M. Crispi demandera à grands cris qu’on se mette aux affaires et qu’on vote le budget, dont l’exercice, en Italie, commence le 1er juillet. Les journaux officieux parlent déjà d’une prorogation nouvelle : la Chambre, ne fût-ce que par instinct de conservation, préférera peut-être, au moins pendant quelques mois, voter le budget par douzièmes au lieu de le voter en bloc à un ministère qui, dès lors, n’aurait plus besoin d’elle, et s’empresserait de s’en débarrasser. M. Crispi protestera avec véhémence contre toute perte de temps ; mais sera-t-il écouté ? Nous le souhaitons à nos voisins, car le trouble et le scandale ne sont jamais bons à rien. Et que nous importe, à nous, que