simple, sans sculptures, sans ornemens, sans rideaux. Pendant quelques minutes, il ne vit rien que le lit, comme en ce jour terrible où, franchissant le seuil de la chambre, il était resté pétrifié devant le cadavre.
Évoqué par l’imagination du survivant, le cadavre, avec la tête enveloppée d’un voile noir, avec les bras posés le long du corps, reprit sa place sur la couche mortuaire. La lumière crue qui faisait irruption par les balcons grands ouverts, ne réussissait point à dissiper le fantôme. C’était une vision, non pas continue, mais intermittente, entr’aperçue pour ainsi dire dans un rapide battement de paupières, bien que les paupières du témoin demeurassent immobiles.
Dans le silence de la chambre et dans le silence de son âme, George entendit le grincement d’un taret, très distinct. Et ce petit fait suffit pour dissiper momentanément l’extrême violence de la tension nerveuse, comme une piqûre d’aiguille suffit pour vider une vessie gonflée.
Toutes les particularités du jour terrible lui revinrent à la mémoire : la nouvelle imprévue, apportée aux Tourelles de Sarsa vers les trois heures de l’après-midi, par un courrier essoufflé qui balbutiait et larmoyait ; le départ foudroyant, à cheval, sous les ardeurs de la canicule, à travers les collines embrasées, et, pendant le trajet, les défaillances subites qui le faisaient vaciller sur la selle ; puis la maison pleine de sanglots, pleine d’un fracas de portes battues par la rafale, pleine du bourdonnement qu’il avait dans les artères ; et enfin, l’entrée impétueuse dans la chambre, la vue du cadavre, les rideaux qui se gonflaient et bruissaient, le tintement du bénitier pendu à la muraille…
Le fait avait eu lieu dans la matinée du 4 août, sans aucun préparatif suspect. Le suicidé n’avait laissé aucune lettre, pas même pour son neveu. Le testament par lequel il instituait George son légataire universel était de date déjà ancienne. Démétrius avait pris des précautions évidentes pour dissimuler les causes de sa résolution et même pour ôter tout prétexte aux hypothèses ; il avait eu soin de détruire jusqu’aux moindres traces des actes qui avaient précédé l’acte suprême. Dans l’appartement, on avait trouvé tout en ordre, dans un ordre presque excessif : pas un papier resté sur le bureau, pas un livre sorti des rayons de la bibliothèque. Sur la petite table, près du lit, l’étui des pistolets ouvert, rien de plus.
Pour la millième fois, une question se posa à l’esprit du survivant : « Pourquoi s’est-il tué ? Avait-il un secret qui lui rongeait