d’opérations pourvues d’un bassin de radoub. Remarquable prévoyance, bonne et solide « stratégie du temps de paix », où triomphent discrètement les vrais politiques.
Aussi avons-nous à surmonter une difficulté sérieuse, si nous ne voulons laisser dans une dangereuse situation d’infériorité ce croiseur jeté en plein Atlantique, si loin de France, tandis que ses adversaires retrouveront l’Angleterre tout autour d’eux, à Saint-Jean, à Halifax, aux Bermudes. Ira-t-il demander aux ports neutres, Boston ou New-York, ce bassin qu’il ne trouverait pas à Saint-Pierre, notre petite colonie terre-neuvienne, si bien placée pourtant, si près de son centre de croisière ? Mais les bassins capables de contenir les navires de son type ne sont pas nombreux. Il est à craindre qu’ils soient occupés soit par les grands paquebots américains des nouvelles lignes, soit par les transatlantiques anglais ; il est même facile de prévoir que, décidé à nous enlever cette ressource, l’ennemi ne reculerait pas devant la dépense d’une occupation permanente des docks, devant une location indéfinie ; et ce ne serait pas là l’incident le moins curieux, ni le moins important du conflit.
Quelle est donc la solution ? — On la trouvait jusqu’ici, non pas complète mais approchée, dans l’emploi d’un doublage en cuivre, qu’un matelas de bois léger isolait de la coque. Mais, outre que le cuivre finit, lui aussi, par se couvrir d’herbages et de coquilles, une disposition de ce genre alourdit le navire et altère le rapport entre longueur et largeur qui convient aux grandes vitesses. L’émaillage, ou le « laquage » de la carène elle-même vaudraient mieux et conserveraient longtemps à notre croiseur toutes ses facultés. L’idée n’est point nouvelle : des procédés ont été proposés déjà par des industriels sérieux. Il faudrait les reprendre, annoncer la ferme intention d’aboutir et poursuivre avec persévérance des essais méthodiquement conduits.
Une question toute spéciale vient de nous faire toucher du doigt l’inconvénient du défaut ou de l’insuffisance des bases secondaires d’opérations, auxquelles les Anglais ont donné le nom significatif, mais un peu particulier, de coaling station. Il nous faut y revenir encore à propos du ravitaillement de nos croiseurs du large et de la création des lignes de communications. Nous resterons toutefois dans l’Atlantique nord, pour ne pas agrandir outre mesure le cadre de cette étude.
Trois points nous appartiennent sur les limites extrêmes de cet océan, véritable carrefour des routes de navigation ; trois points qui pourraient permettre à nos bâtimens isolés de se réapprovisionner en combustible, eau douce naturelle et vivres frais.