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Page:Revue des Deux Mondes - 1895 - tome 129.djvu/795

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admettrons 800 hommes comme effectif de l’équipage, effectif qui comprendra une partie fixe, destinée au bâtiment lui-même, et une partie mobile, destinée aux prises et renouvelée constamment par les paquebots ravitailleurs.

Ces bases posées, au moins à titre provisoire, nous allons examiner si les considérations empruntées à la tactique ne nous conduiraient pas à modifier l’idée générale que nous nous faisons, dès maintenant, de nos grands croiseurs du large.

La tactique, avons-nous dit plus haut, intervient dans le choix des armes du croiseur, dans ses méthodes de poursuite, dans ses ruses de guerre, comme dans sa manière de combattre, s’il y était contraint.

Eh bien, quelles doivent être les armes offensives du preneur de paquebots ? — Les plus simples sans doute, et, en vérité, après sa vitesse, nous n’en voyous pas d’autre que l’artillerie.

Qu’il n’ait que faire de l’éperon, c’est ce qu’il est oiseux de démontrer. L’éperon est une arme de contact, de mêlée par conséquent, que seuls doivent employer les cuirassés trapus, relativement courts, prompts à évoluer. D’ailleurs la forme spéciale que donnerait l’éperon à l’étrave de notre croiseur suffirait à dénoncer sa qualité de navire de guerre, et de fort loin, aux paquebots qu’il veut atteindre.

La torpille, elle aussi, est une arme de combat rapproché. Qu’elle soit lancée par un torpilleur ou par un grand bâtiment, qu’elle surprenne l’adversaire dans le calme de la nuit ou qu’elle entre en jeu en plein jour, dans le tumulte du combat d’escadre, sa course si rapide est toujours de faible étendue. D’ailleurs, quel besoin d’ouvrir une brèche dans les œuvres vives, quel besoin de couler sur place le navire qu’un projectile dans les œuvres mortes suffit à convaincre de l’inutilité de la résistance ?

Supprimons donc la torpille et tout ce qu’elle entraîne avec elle d’impedimenta. Le poids que représente ce matériel sera mieux employé si nous en faisons bénéficier l’appareil moteur, qui ne sera jamais trop solide.

Que dire des armes légères, canons-revolvers, mitrailleuses, fusils ? Leur poids, munitions comprises, est peu de chose pour un très grand navire. Il en faut, d’ailleurs, pour agir contre le personnel de l’adversaire dans un combat rapproché, si exceptionnelle que puisse être cette circonstance. Il en faut aussi pour armer certaines prises, car nous serions fort d’avis qu’afin d’assurer la conservation d’une riche capture, on donnât au nouvel équipage de quoi soutenir un engagement en retraite, au moins contre un aviso, un petit croiseur, un torpilleur de haute mer.