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Page:Revue des Deux Mondes - 1895 - tome 129.djvu/852

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Les autres restaient attachés au piquet, tournant sans se lasser dans l’orbite de leur corde. Ni gloire, ni fortune à espérer. On vivait de peu, on était heureux quand on attrapait le bout de l’année sans être allé en prison et le bout de la vie après avoir vu grandir et fait instruire, vaille que vaille, les enfans qu’on avait eus. On puisait son courage partie dans la bouteille, partie dans la religion. Ce sont les deux consolations entre lesquelles oscille l’Anglais de ce temps-là. Une correspondance mise au jour par le hasard d’une circonstance imprévue (un petit-fils qui est devenu célèbre) fait revivre l’acteur-directeur de circuit. Il est bonhomme, mais un peu prêcheur. Il tire de ses auteurs, tragiques ou comiques, dont il est plein, des axiomes pour toutes les rencontres de la vie. Il les cite comme Nehemiah Wallington ou le colonel Hutchinson citaient la Bible. Il s’inquiète et se rassure à la façon d’un enfant. Un orage l’émeut comme un mauvais présage, mais voici l’arc-en-ciel qui luit comme une promesse. La Providence veillera à la recette des pauvres comédiens. C’est le vicaire de Wakefield devenu père noble.


II

Les critiques du temps, Hazlitt, Leigh Hunt, Charles Lamb, ont pris une place permanente dans la littérature. Cependant, quand on les lit, on est désappointé ; sauf quelques pages de Lamb, on ne trouve chez eux aucune idée générale. Tout leur temps se passe à discuter et à comparer les acteurs. L’idée ne leur vient pas de juger ni de classer les pièces, puisque ces pièces étaient déjà définitivement classées et jugées. Il n’y avait point de (drame en dehors de Shakspeare et de sa pléiade, et quant à la comédie, tout était dit depuis la mort de Goldsmith et de Sheridan. Et cela leur semblait bien ainsi. Ils se voyaient, eux, leurs successeurs et le public tout entier, siégeant jusqu’à la fin des temps pour épiloguer sur une entrée de Macbeth ou une sortie d’Othello, pour assister à des reprises sans fin de la School for Scandal et de She stoops to conquer. Il y a des âges qui exigent du nouveau et d’autres qui se cramponnent à l’antiquité.

Seul, Maeready, avec son instinct d’acteur réaliste et moderne, cherchait des auteurs. Un ancien maître d’école irlandais, qui avait aussi été acteur et qui s’appelait Sheridan Knowles, lui apporta une tragédie de Virginuis, qu’il avait écrite en trois mois. Il insistait sur ce point, n’ayant jamais lu, probablement, la scène du sonnet d’Oronte. La pièce fut mise en répétitions, jouée à Covent-Garden au printemps de 1820. Reynolds, dans un