résigner à voir en lui le représentant d’un art qui finit, le dernier grand prêtre d’une idole disparue. A la scène et hors de la scène. Macready est un précurseur. Il a pressenti le réalisme et il a été le premier gentleman-acteur. Mais il devait se passer un long temps avant que son exemple fût compris et imité. Il laissait le théâtre dans un état de misère et de confusion difficile à décrire.
Macready avait eu beau nettoyer de son mieux le théâtre, le préjugé qui en écartait certaines classes paraissait grandir et s’étendre. Depuis l’avènement de la jeune reine, la femme anglaise ne devait jamais se laisser voir qu’avec un ou deux babies sur les genoux. On assistait à une de ces poussées de l’esprit puritain dont l’histoire de la société anglaise nous donne le spectacle périodique. Les associations de la jeunesse chrétienne se multipliaient ; en procurant à l’ouvrier des plaisirs vertueux et gratuits, elles disputaient sa soirée au spectacle en même temps qu’au cabaret. Dans les hautes classes, c’était la musique qui ruinait le drame par sa concurrence. Pendant longtemps, — comme dit lady Gay Spauker, dans une comédie de ce temps-là, — les Anglais n’avaient connu d’autre musique que l’aboiement d’une meute. Maintenant on s’arrachait les loges à prix d’or les soirs où devait chanter la Grisi. Une querelle de cantatrice à directeur amena un schisme. La troupe décapitée retrouva une merveilleuse chance de succès dans Jenny Lind. Le dualisme se perpétua et cet incident, joint à l’incendie de Her Majesty’s theatre, consomma l’invasion des deux grandes scènes de Londres par la musique étrangère. L’opéra régnait de fin avril à fin juillet ; la pantomime, d’abord humble et modeste, mais chaque année plus hardie, commençait à Noël et durait une partie de l’hiver. Une courte saison d’automne restait au drame, ou plutôt au mélodrame, ou à quelque chose de pire, à l’hippodrame. On appelait ainsi un nouveau genre de pièce où les chevaux jouaient les grands rôles. Plus d’un auteur en vogue était heureux d’écrire pour ces singuliers protagonistes. Shakspeare, qui avait rugi alternativement, de deux soirées l’une, avec les lions du dompteur Van Amburgh, ne parut pas en état de lutter avec l’hippodrame. Il se réfugia dans un théâtre de banlieue, à Sadler’s Wells, avec l’acteur Phelps, et là, comme les ci-devant sous la Terreur, il « vécut ». Pour que le public anglais s’y intéressât encore, il fallait qu’il fût ânonné par des enfans ou baragouiné par des étrangers.
D’après une vieille brochure du temps qui gémit sur l’humiliation profonde du drame, on se retourne pour voir quel est le fou qui prend Drury-lane ou Covent-Garden. A l’intrépide amateur qui a de l’argent à perdre succède l’aventurier impudent,