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Page:Revue des Deux Mondes - 1895 - tome 129.djvu/889

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1772, Lavoisier et Laplace, en 1783, déduisirent une nouvelle méthode calorimétrique qui fut, pendant longtemps, préférée à la méthode des mélanges.

Les expériences de Black prouvaient que la chaleur communiquée à un corps peut se comporter de deux manières bien différentes ; si le corps n’éprouve aucun changement d’état, elle en élève la température, elle fait monter le thermomètre qui touche ce corps ; mais si le corps éprouve un changement d’état, si de solide il devient liquide, si de liquide il se transforme en vapeur, la chaleur s’emmagasine en lui sans le rendre plus chaud, sans faire monter le thermomètre que l’on plonge dans son sein ; cette chaleur devient latente ; si le corps éprouve un changement d’état inverse, si le liquide se solidifie, si la vapeur se condense, il abandonne de la chaleur sans que la température s’abaisse ; il échauffe les corps qui l’entourent sans se refroidir ; la chaleur qu’il avait emmagasinée à l’état latent redevient libre.

Ces phénomènes nous sont aujourd’hui si familiers que nous méconnaissons volontiers l’importance de la révolution produite, par leur découverte, dans les idées des physiciens éclater aux yeux la grandeur de cette révolution.

La quantité de chaleur avait été introduite par les cartésiens comme une grandeur susceptible d’exprimer en nombres nos sensations de chaud et de froid ; la quantité de chaleur contenue dans un corps était plus ou moins grande selon que ce corps nous semblait plus ou moins chaud ; un pied cube de fer, un pied cube d’eau, un pied cube d’air renfermaient autant de chaleur l’un que l’autre lorsqu’ils étaient également chauds.

En créant la calorimétrie, Black et Crawford montrèrent que des corps de nature différente, en s’élevant d’une même température à une autre même température, absorbaient des quantités inégales de chaleur, en sorte que ces deux expressions : deux corps sont également chauds et deux corps contiennent, par unité de volume, la même quantité de chaleur, ne pouvaient plus être prises comme synonymes, ainsi qu’elles l’avaient été jusque-là.

Du moins était-il loisible de penser qu’on échauffait forcément un corps, de nature donnée, en lui fournissant une certaine quantité de chaleur ; qu’on le refroidissait en lui soustrayant cette même quantité de chaleur ; la découverte de la chaleur latente rendait inadmissible cette opinion ; elle rompait tout lien entre le sens que le mot chaleur a dans la langue vulgaire et le sens , qu’il prend dans le langage des physiciens ; un corps peut gagner