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Page:Revue des Deux Mondes - 1895 - tome 129.djvu/954

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sino-japonais, que la France met au premier rang de ses préoccupations « la considération de ses alliances. » Il faut donc prendre le terme dans son acception intégrale. En le faisant, nous n’insisterons pas davantage. Pressé de donner des explications plus complètes, ou du moins plus abondantes, le gouvernement s’y est refusé. Après avoir dit ce qu’il voulait dire, il s’est arrêté, et il a laissé ses interlocuteurs se lancer seuls dans le champ indéfini des hypothèses. Il aurait été pour lui dangereux de les y suivre, parce qu’il n’aurait pu rectifier leurs assertions qu’en leur substituant les siennes, ce qui l’aurait engagé peut-être plus loin qu’il ne l’aurait voulu. Un seul point est certain : c’est qu’il est désormais permis de qualifier du nom d’alliance nos rapports avec la Russie. La date du 10 juin restera marquée dans notre histoire parlementaire par cette importante, quoique discrète révélation.

M. Goblet ne se contente pas facilement de la demi-lumière. Le mot d’alliance, lorsqu’il a sonné à ses oreilles, a éveillé dans son esprit mille curiosités. C’était son droit assurément d’adresser, à ce sujet, de pressantes questions au ministère. Comme homme d’opposition il était dans son rôle, mais comme homme de gouvernement, et il l’a été, il sait fort bien que la liberté du gouvernement est limitée par certains devoirs, auxquels, pour son compte, il s’est toujours scrupuleusement soumis. — S’il y a alliance, a-t-il dit, il y a traité, et s’il y a un traité, montrez-le. Est-ce que le gouvernement allemand a hésité, après avoir renouvelé son alliance avec l’Italie, à publier le texte du document qui unissait les deux pays ? Pourquoi le gouvernement de la République ferait-il plus de mystère avec la France que le gouvernement allemand n’en a fait avec l’Allemagne ? Pourquoi marchanderait-on à la Chambre des députés ce qu’on a livré au Reichstag ? — Le défaut de cette argumentation est qu’elle repose sur un fait inexact. Jamais l’Allemagne, jamais l’Italie n’ont publié le contrat qui les lie. Nous savons que l’alliance existe, voilà tout. Quels en sont les termes ? L’opinion publique en France et l’opposition libérale en Italie, tout aussi curieuses que M. Goblet, ont manifesté bien souvent le désir de le savoir. On n’a répondu ni à Rome, ni à Berlin. M. Goblet, il l’a d’ailleurs reconnu le lendemain, a confondu le traité passé entre l’Allemagne et l’Italie avec le traité passé entre l’Allemagne et l’Autriche-Hongrie. Ce dernier, nous le connaissons, ou du moins nous l’avons connu en 1888 par la publication inopinée qu’en a faite M. de Bismarck. A-t-il été depuis renouvelé tel quel ? C’est probable, au moins dans ses lignes essentielles, bien que nul ne puisse l’affirmer ; mais certainement M. de Bismarck, quelque omnipotent qu’il fût à cette époque, n’a pas commis l’indiscrétion de le publier sans y être expressément autorisé par l’Autriche. Lorsqu’on est deux dans une affaire, l’un doit toujours s’inspirer des convenances de l’autre. Au surplus, s’il y a un traité formel entre la France