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nous avons reproduit. Non contentes de nous rassurer contre une agression toujours possible, elles auraient encore pris pour but immédiat et en quelque sorte préalable de résoudre certaine question dont il nous est impossible de parler sans douleur. On ne reproduira pas à M. Flourens et à M. Goblet de ne pas faire assez de cas de l’alliance russe : ils croient au contraire qu’on ne saurait trop lui demander, et leur principal grief contre le gouvernement est de n’avoir pas encore obtenu, grâce à elle, le règlement du problème qui, depuis près d’un quart de siècle, pèse lourdement sur la politique de l’Europe. À quoi bon, disent-ils, une alliance qui ne débute pas par nous restituer l’Alsace et la Lorraine ? C’est la première condition qu’il aurait fallu y mettre, et qu’on n’y a évidemment pas mise, à en juger par les résultats. Les interpellateurs ont soutenu cette thèse : il fallait qu’ils fussent d’ailleurs bien sûrs que rien de pareil ne se trouvait dans nos arrangemens avec la Russie lorsqu’ils pressaient le gouvernement de les faire connaître, car, si ces arrangemens avaient été par impossible conformes à leur désir, il aurait suffi de les publier pour mettre aussitôt le feu à l’Europe. Or, ils ont protesté tous de leur horreur de la guerre et de leur amour de la paix. Il est impossible de vouloir plus énergiquement la paix que M. Flourens et que M. Goblet : seulement, ils veulent avec non moins d’énergie qu’on nous rende, et tout de suite, nos provinces perdues. Ces deux propositions leur paraissent parfaitement conciliables, et, comme une voix faisait observer timidement à M. Goblet que, pendant son passage au pouvoir, il ne s’était proposé et n’avait poursuivi rien de semblable, il a répondu que nous n’avions pas alors l’alliance russe. Ah ! si nous l’avions eue ! Quels avantages n’en aurait-il pas tirés ! Quelles merveilles n’au-rait-il pas réalisées ? L’opposition a partagé notre histoire diplomatique en deux périodes : la première, où elle était au pouvoir et où elle reconnaît n’avoir rien fait de ce qu’elle demande, parce que, dit-elle, elle ne pouvait rien faire ; la seconde, où elle n’était plus au pouvoir, et où le gouvernement pouvait tout faire et cependant n’a rien fait. Cette vue générale est-elle exacte ? est-elle juste ? Encore une fois, les conditions de l’alliance russe nous sont inconnues ; mais nous sommes bien certains que, si l’opposition d’aujourd’hui était restée aux affaires pendant ces dernières années, et si elle y avait apporté les préoccupations immédiates, exigeantes, exclusives qu’elle vient d’afficher à la tribune, elle n’aurait tiré aucun parti de l’alliance russe, pour l’excellente raison que celle-ci ne serait jamais née. Quelles que fussent les bonnes intentions à notre égard du gouvernement de Saint-Pétersbourg, il aurait rompu dès le premier mot toute négociation à laquelle on aurait assigné cet objet précis. L’empereur Alexandre III, dont nous regretterions encore plus amèrement la perte s’il n’avait pas un si digne successeur, était profondément ami de la paix, et ce n’est pas a